Fahrenheit 911

"Est-ce que ce n'était qu'un rêve?" Telle est la question qui nous est demandé au début de Fahrenheit 911, le plus récent documentaire de Michael Moore. Le réalisateur procède alors à une relecture des évènements qui ont mené à l'élection de George Bush, et au tournant militaire et répressif sans équivoque qu'a pris l'État américain. De façon très nette, Moore laisse sous-entendre que si Al Gore avait été porté au pouvoir, les évènements se seraient déroulés différemment. Son oeuvre présuppose qu'un président relevant du Parti Démocrate devrait se trouver à la Maison Blanche.

Tout au long du film, Moore nous montre une série d'images saisissantes. Ébauchant l'ascension du jeune Bush au pouvoir, il démontre la stupidité, l'arrogance, et le sadisme qui caractérisent son caractère.

Au milieu du film, Moore nous sert l'histoire d'une femme "typique" du Midwest qui nous raconte la façon dont son enfant a joint l'armée parce qu'il n'y avait pas de bons emplois dans sa ville. Elle nous raconte comment son fils est mort. De cette façon Moore combine ingénieusement ses sentiments à une propagande purement anti-Bush. Il trouve même le moyen de soutenir l'invasion de l'Afghanistan, comme si celle-ci était plus légitime que l'invasion de l'Irak. L'argument principal de tout le film est que la guerre en Irak n'a pas été perpétrée par l'ensemble de la classe dirigeante américaine en tant que moyen d'étendre son pouvoir au Moyen-Orient, mais plutôt il nous amène à penser que la guerre n'a été que le résultat des politiques de l'administration Bush. Pourtant, c'est un fait démontré que l'ensemble de l'appareil politique à Washington a supporté autant l'invasion de l'Irak que la "Guerre au Terrorisme" ainsi que toute la répression et le massacre qui a suivit. En essayant de faire d'un seul individu, le Président - qui est à peine plus qu'une figurine de capot de l'appareil politique bourgeois - apparaître comme le seul responsable de la boucherie dans le Golfe, Moore cherche à ressusciter le cadavre du libéralisme et justifier son appui à Kerry.

Présent à l'occasion des deux conventions politiques, Moore a pris part aux deux pièces de théâtre politique bourgeois les plus élaborées aux É-U. Moore tente de ressusciter les morts et de ramener à la vie une foi que le prolétariat a déjà eu, i.e., qu'il a quelque chose à gagner ou à perdre dans une campagne électorale. Contrairement au message du film, la politique d'état des U.S.A a un caractère capitaliste explicite et par sa nature même, elle doit faire la guerre afin de maintenir son pouvoir au détriment des autres entités capitalistes à travers le monde. Si on se souvient bien, même les libéraux à Washington comme le sénateur Feingold, votèrent pour le "Patriot Act". Les capitalistes forment une classe solidaire. Quand des factions de cette classe ont des différents, ce sont sur des points tactiques. Peut-être qu'un président démocrate aurait travaillé davantage pour obtenir l'approbation des Nations-Unies avant d'envahir l'Irak; peut-être que non. Un des objectifs de Moore avec ce film est de semer l'illusion dans la tête des gens qui ont été voir le film, qu'il y avait des enjeux tellement important dans cette élection que de ne pas voter serait l'équivalent d'une trahison.

De Roger and Me jusqu'au présent, Moore nous sert le vieux populisme démocratique libéral et la variante paternaliste du libéralisme bourgeois. Il invoque constamment le temps où les syndicats et le Parti Démocrate conservaient leur emprise sur les prolos américains, selon sa vision nostalgique et patriotique de la démocratie libérale.

Une chose est certaine, quel que soit l'effet de ce documentaire, l'occupation de l'Irak va continuer tout autant que la grande offensive impérialiste que la bourgeoisie nous présente comme une guerre au terrorisme. La présence de Moore, tant dans la convention démocrate que dans celle des républicains, indique que c'est de la propagande électorale ayant pour objectif de mobiliser le vote des travailleuses et des travailleurs, et de relancer les chances du Parti Démocrate. Ceux et celles qui ont vu le film ne devraient pas cultiver l'illusion qu'il représente une position anti-guerre, et encore moins, un soutien quelconque aux intérêts collectif des travailleurs et des travailleuses

ASm.