Chroniques de la préhistoire

À propos du crime (I)

Faites de l'argent! Si vous le pouvez, faites le honnêtement; sinon, par tous les moyens, faites de l'argent.

Plus de 2,000 ans après cet écrit de Horace, la bourgeoisie en a fait un évangile dont la parole est indiscutable. Pourtant, cette classe dirigeante d'un système basé sur le vol légal organisé, s'émeut régulièrement d'une prétendue montée de la criminalité. Les organes de presse à sa solde donnent une large place aux méfaits des gangs de rue, aux motards et autres voleurs à la petite semaine. En conséquence, les appels à un contrôle social plus rigoureux, à la répression des "classes dangereuses" se font plus pressants; les appareils policiers et les agences de sécurité privées toujours plus puissants.

Police communautaire à Montréal, Targeted Policing à Toronto, V-COPS à New York, Street Watch à Birmingham en Grande-Bretagne, CSP à La Paz en Bolivie, CPLC à Karachi au Pakistan, partout l'État capitaliste multiplie les systèmes de délation, les programmes d'encadrement, les patrouilles "citoyennes", sous prétexte d'éliminer le crime. On sait aussi que dans plusieurs pays, il fait aussi de plus en plus appel à des escadrons de la mort pour éliminer des sans-abri soupçonnés de délits mineurs liés à leurs besoins de survie. Dans ce contexte, une récente série de meurtres non-élucidés de personnes itinérantes dans la région torontoise est particulièrement inquiétante...Et si cette fois l'assassin en série n'était autre que l'État lui-même? Pourtant, une étude sérieuse des faits en dit long sur l'identité réelle des vrais criminels sévissant dans cette société pourrie et cela, selon les cadres et les définitions légales définissants les notions de crimes et de vols ayant cours dans la société bourgeoise. Ainsi, alors que ce sont les quartiers ouvriers qui sont quadrillés et qui sont l'objet d'une surveillance accrue de la part des hommes de main de la classe dominante; alors que les prisons sont des lieux réservés aux seuls classes prolétariennes, qui sont en fait les vrais voleurs? Dans son livre, "Bad Business: Corporate Crime in Canada" (1), Laureen Snider répond à la question en accusant ce qu'elle nomme diplomatiquement les "white collar criminals". Elle écrit qu'alors "que les vols à main armée aux États-Unis rapportent 338$ en moyenne, les criminels en col blanc trouvés coupables en vertu de lois fédérales font des profits moyens de 300,000$" et que:

tous les crimes commis par des personnes de la rue au cours d'une année donnée aux États-Unis coûtent, selon les estimations, 4 milliards de dollars, soit moins de 5% du rendement moyen des criminels en col blanc.

L'auteur constate de plus que les infractions à la loi antitrust et l'évasion fiscale transfèrent des milliards de dollars des pauvres aux riches.

Ces "white collar criminals", ce sont les capitalistes et leurs exécutants directs. Ce sont eux qui contrôlent l'appareil d'État et toutes ses constituantes: l'armée, la police, les tribunaux, le parlement, la presse, etc. Insatisfaits des profits qu'ils nous extorquent à même notre travail par des moyens "légaux", ils poussent la logique du marché à son aboutissement logique; la main de Dieu d'Adam Smith devient alors la main dans le sac... Comme on le dit: "la meilleure façon de voler une banque, c'est d'en posséder une." La seule campagne efficace contre le vol ne peut donc être que la lutte des classes portée à sa conclusion logique: le renversement du système capitaliste qui l'engendre et le perpétue.

À propos du crime (II)

Les sentiments humains se situent en dehors de l'économie politique et l'absence d'humanité se situe en elle.

Marx

Autre leitmotiv revenant continuellement dans la partition des chefs d'orchestres de la presse bourgeoise- la montée de la “violence”. La “une” des journaux et des médias électroniques est toute occupée par des faits divers: meurtres sordides, agressions, petite et grande criminalité; toutes des manifestations d'une société malade, mais des événements réduits par la presse et les pouvoirs politiques à la cruauté ou à la pathologie d'individus destructeurs. À les croire, ces tristes individus proviennent d'ailleurs presque toujours du prolétariat, comme l'attestent régulièrement les statistiques publiées sur l'origine sociale des détenu-e-s et des condamné-e-s à mort.

Encore une fois, un examen sérieux des faits porte à d'autres conclusions et pose un doigt accusateur en direction d'un criminel éminemment plus dangereux. Voici ce qu'en dit encore l'auteur Laureen Snider:

Même si la criminalité des entreprises attire beaucoup moins l'attention des médias que les voies de fait, les vols et les viols auxquels songent la plupart des gens lorsqu'ils entendent le mot “crime”, elle cause plus de préjudices, coûte plus cher et ruine plus de vies que n'importe laquelle de ces autres infractions. La criminalité des entreprises est un tueur de premier ordre, causant plus de décès en un mois que tous les meurtriers réunis en une décennie. Des Canadiens sont tués au travail par des conditions de travail peu sécuritaires (et illégales), blessés par des produits dangereux mis en vente avant que leur sécurité soit démontrée, rendus invalides par des déchets industriels libérés dans l'atmosphère ou déversés dans les lacs et les rivières et volés par des conspirations illégales visant à augmenter les prix et à supprimer le choix du consommateur... Les Canadiens risquent vingt-huit fois plus d'être blessés en milieu de travail que par un agresseur... Ils risquent dix fois plus d'être tués par leurs conditions de travail que d'être victimes d'un homicide... (2)

La bourgeoisie est une classe d'assassins, le capitalisme un système mafieux. Comme tous les gangsters minables, les riches prétendent de leur innocence et d'une haute moralité. Il leurs faut des coupables pour brouiller les pistes, pour masquer leurs crimes. D'où les pieuses campagnes contre “la violence, la drogue et la prostitution” telles que celle présentement en cours dans le Centre-sud de Montréal. Mais les australopithèques sévissant encore sur la planète devront un jour expier leur turpitude. Remplie d'arrogance et de suffisance, la bourgeoisie ne se tient plus. Elle expose quotidiennement sa vrai nature. Dans Le Capital, Marx parlait ainsi des origines et de la réalité du capitalisme:

Si, d'après Augier, c'est “avec des tâches naturelles de sang sur une de ses faces” que “l'argent est venu au monde”, le capital y arrive suant le sang et la boue par tous les pores.

Camarades, constatez l'état des lieux et posez-vous la question: “À qui profite le crime?” Au-delà des apparences, l'essence du capitalisme témoigne de l'ampleur catastrophique de sa culpabilité.

Les fruits amers du capitalisme

Les 160 États présents au deuxième sommet social de l'ONU tenu à Genève à la fin juin, n'ont pu que faire le constat tragique de la situation sociale mondiale. Le bilan de la domination absolue de la planète par le capitalisme triomphant est sombre. En effet: trois milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour, dont 1,2 milliard avec seulement un dollar; 150 millions sont au chômage et 750 millions sont sous-employées (3); 800 millions n'ont pas accès à des services de santé tandis que 33 millions d'individus sont séropositifs ou atteints du Sida.

Enfin, pour terminer ce triste palmarès, ajoutons que 850 millions d'êtres humains sont analphabètes.

Pourtant, il y a à peine cinq ans, peu après l'effondrement du “communisme” (en réalité les anciens régimes capitalistes d'état staliniens), les 117 États participants au premier sommet social de l'ONU tenu à Copenhague avaient pris des engagements solonnels visant à éradiquer la pauvreté. Or, ces promesses n'ont donné lieu à date qu'au progrès de la pauvreté et de la misère.

Dans ce contexte, les très mal nommées “organisations non gouvernamentales” (ONG), ces voix “critiques” parlant au nom des “citoyens et des citoyennes”, se sont faits les porte-paroles auto-proclamées des “pauvres”. Ces démagogues professionnels, largement subventionnés par les divers États, y ont milité pour la Currency Transaction Tax, mieux connue sous le nom de taxe Tobin; une mesure visant les capitaux spéculatifs à court terme. Pour apprécier toute la valeur “progressiste” d'une telle taxe, signalons que les réformistes “non-gouvernementaux” ne faisaient qu'appuyer ce qu'avaient proposé de nombreux États impérialistes et parmi eux le Canada! Triste écho de l'actuelle campagne québécoise menée par les syndicats et l'establishment communautaire (les ONG domestiques) en vue de convaincre leur ami, le Premier ministre Bouchard de faire voter une Loi anti-pauvreté... Ainsi, selon ces parfaits imbéciles, après des décennies de dénuement et de privations, ils viennent de trouver la solution miracle aux problèmes de l'humanité. Ils s'agissait d'y penser! Demandons à la classe dominante qui nous exploite et à son État qui nous opprime de bien vouloir cesser de le faire. La pauvreté ne serait donc manifestement qu'un problème législatif et non structurel. Ouf! Ignorantia omnia vincit! (4)

N'est-il pas venu à l'esprit de nos prétendus réformistes que les législations actuelles telles l'assurance-chômage et l'aide sociale par exemple sont régulièrement effilochées, rognées et amputées? Or, nous pourrions soudainement, par une simple supplique où une pétition à l'Assemblée nationale, toucher le coeur des parlementaires et par l'intervention du St-Esprit, éliminer la pauvreté par décret! Faut-il s'étonner que des ministres se disent très sensibles et intéressés à cette démarche? Marx avait décidément bien raison de dénoncer...

le crétinisme parlementaire, qui relègue dans un monde imaginaire ceux qui en sont atteints et leur enlève toute intélligence, tout souvenir et toute compréhension pour le rude monde extérieur... (5)

Des propos éclairants

Bon nombre de camarades nous ont exprimé leurs désaccords face à la sévérité de notre critique du syndicalisme. Même si la pratique actuelle des syndicats est de plus en plus l'objet de critiques des ouvriers et des ouvrières, la grande majorité de notre lectorat continue de n'y voir qu'un grave problème de direction plutôt qu'une tare fondamentale. Pour la plupart donc, la tâche de l'heure reste celle d'un renouveau, d'une réforme du syndicalisme. Il en va ainsi malheureusement de génération en génération et conséquemment la classe ouvrière va de recul en recul.

Or, s'il reste encore dans les milieux militants des illusions persistantes sur l'utilité du syndicalisme pour notre classe, la bourgeoisie échappe occasionnellement des propos qui en disent long sur la vraie nature des syndicats et les intérêts de classe auxquels ceux-ci sont véritablement dévoués. Ainsi, après les efforts soutenus de l'administration Clinton pour redorer le blason du syndicalisme dans son pays et ceux de divers Conseils du patronat et États européens allant dans le même sens chez-eux , c'est au tour du vice-premier ministre du Québec, Bernard Landry d'y aller d'un petit laïus révélateur.

Ainsi, dans le Journal de Montréal du 19 août 2 000, le vice-premier ministre et chantre des vertus du capitalisme se portant à la défense des syndicats, se pose la question suivante:

Est-ce qu'on aurait (sans les syndicats-N.I.) la paix industrielle que nous avons et la concertation que nous avons depuis des années?

Sa question contient évidemment sa réponse... Avec les syndicats, on a moins de grèves, moins de conflits, plus de marges de manoeuvres et de profits et tout cela grâce à la collaboration de classe qu'excrète le syndicalisme à chaque opportunité.

La trahison comme accident de parcours ou comme fonction sociale? Pour les communistes internationalistes, le syndicalisme a toujours été un instrument de marchandage des conditions de vente de notre force de travail. Même à ses débuts, il n'a jamais été un instrument utile pour le renversement du capitalisme. Dans notre ère impérialiste, il est carrément devenu un agent actif de sa préservation. Dès 1947, nos camarades du Parti communiste internationaliste d'Italie écrivait à ce propos:

Dans l'actuelle phase de décadence de la société capitaliste, le syndicat est appelé à être un instrument essentiel de la politique de conservation du capitalisme et par conséquent, à assumer les fonctions précises d'un organe d'État.

Qu'un minable pit-bull de la bourgeoisie comme Landry se porte à la défense du syndicalisme devrait suffire à le condamner! Nous invitons nos camarades syndicalistes “critiques” à y réfléchir. Le retour du shylock La multiplication des commerces de shylocks, mieux connus sous le vocable de prêteurs sur gages, est un fait social universellement constaté dans la société contemporaine. La vitalité de ce secteur commercial particulièrement louche varie avec les aléas de la situation économique.

Plus le capitalisme, par ses crises et ses récessions, pousse la classe ouvrière à la pauvreté, plus on retrouve de ces commerces sordides dans les quartiers défavorisés. Le shylock, véritable vampire s'abreuvant de la détresse humaine, est donc l'objet du mépris justifié de notre classe. Ces goules prêtent à des taux d'intérêt pouvant dépasser les 300%, alors que la limite légale au Québec est de 60% (un taux d'usure presqu'aussi scandaleux)! Or, si nous prenons pour l'exemple les statistiques disponibles pour la Communauté urbaine de Montréal, nous apprenons que le nombre de ce genre de commerce est passé de 50 à plus de 350 en moins de cinq ans! L'expansion fulgurante de ce secteur mercantile va à l'encontre de toute la propagande bourgeoise actuelle sur la soi-disant reprise de l'économie et la diminution de la pauvreté. Au delà des manipulations statistiques, se traduisant par l'annonce de prétendues baisses du taux de chômage dans des périodes où on connaît des baisses d'emplois; au delà de l'éloge de la “nouvelle économie” où un nombre toujours croissant de salarié-e-s se retrouvent sous les seuils de pauvreté officiellement reconnus; cette multiplication de shylocks dans les quartiers ouvriers est un véritable signe des temps.

Télé-Cannibale

Entre 40 et 50 millions de personnes ont assisté au dernier épisode de l'émission culte de la télé américaine d'été: “Survivor”. Pendant treize semaines, seize participants et participantes vivant sur une île “déserte”, ont vécu une expérience de darwinisme social prenant la forme d'éliminations individuelles progressives par des conseils tribaux.

L'ultime “survivant” s'est vu accorder un million de dollars US. Le tout a été présenté par la presse nord-américaine comme un nouveau “phénomène de société”.

Véritable tableau vivant de la déchéance morale dans laquelle le capitalisme entraîne l'humanité, l'émission a promu le concept du loup solitaire et l'idée que le mensonge, la corruption, la traîtrise et la lâcheté étaient les “compétences” principales requises à la survie humaine. Comme il se doit, dès la première émission, Sonya une charmante femme de 62 ans, à peine remise d'un cancer, a été éliminée par son groupe pour avoir trébucher lors d'une course de radeaux. Le dernier survivant, le “gagnant”, Richard Hatch, un personnage machiavélique qui jouissait visiblement de l'ascendant tordu et artificiel qu'il a pu imposer aux autres, a vaincu par son sens de l'intrigue et par sa sournoiserie. Pas étonnant que dans la vrai vie, Richard Hatch est un spécialiste des relations de travail et un formateur de cadres supérieurs. Après une telle prestation de savoir-faire dans le domaine l'ignominie, il va sûrement pouvoir augmenter ses tarifs. Ses “qualités” particulières seront toujours appréciées par les maîtres de ce monde.

Les délibérations du conseil tribal du dernier épisode de l'émission ont donné lieu à une intervention qui résumait éloquemment le vrai contenu de l'affaire et le message politique traversant en filigrane toute la série.

Susan Hawk, une effroyable harpie et une menteuse pathologique, s'exprimant sur le choix final qui allait bientôt devoir être fait, déclama:

Sur cette île, les seuls animaux que nous avons rencontré étaient ou bien des serpents, ou bien des rats.

Désignant alors les deux ultimes personnes encore en lice, elle appela à choisir Richard Hatch ainsi:

Nous avons ici un rat et un serpent. Respectons la loi de la nature et que le plus fort gagne. Je dis que le serpent doit manger le rat!

La bourgeoisie se laisse rarement le luxe d'étaler une franchise aussi éhontée. L'image spéculaire qui s'est reflétée dans cette série télévisée aura été celle de la société qu'elle nous impose; une société de cannibales. Puissante campagne de propagande, “Survivor” s'est acharnée pendant tout l'été à battre en brèche toutes les valeurs et les qualités essentielles à une humanité enfin réalisée. Cette fresque politique nous ramène en fait, en dessous du contenu social des dessins de la période paléolithique retrouvés dans les cavernes anciennes. Notre dernière “Chronique de la préhistoire” est donc malheureusement d'une affligeante actualité.

(1) Scarborough: Nelson Canada,1993.

(2) Snider, Laureen, op. cit.

(3) Ce total de 900 millions répertorié par le Bureau International du Travail représente une augmentation nette de 80 millions de prolétaires qui sont sans-emploi ou sous-employés depuis son rapport de février 1995.

(4) L'ignorance vainc tout! C'est du moins ce qu'espérent les réformistes prétendant nous tromper.

(5) Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte.