Mondialisation et crise économique

Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le monde entier. Il lui faut s'implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations.
Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production, à la consommation de tous les pays.

Marx - Le Manifeste du Parti Communiste - 1847

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Le marxisme procède de l'économie mondiale considérée non comme la simple addition de ses unités nationales mais comme une puissante réalité indépendante créée par la division internationale du travail et par le marché mondial, qui à notre époque, domine tous les marchés nationaux. Les forces productives de la société capitaliste ont, depuis longtemps, dépassé les frontières nationales.

Trotsky - La Révolution permanente - 1929

L'évolution du capitalisme ne fait que confirmer de nos jours l'exactitude de l'analyse marxiste. Le fameux cours nouveau du capitalisme, la “mondialisation”, ne recouvre, en fait, qu'une internationalisation ininterrompue et de plus en plus croissante des échanges, un développement accru des firmes internationales lié à la concentration du capital et une tendance de plus en plus forte à l'autonomie du capital financier et à son accroissement; ce phénomène élargissant encore plus le fossé qui existe au niveau de la répartition des richesses entre exploiteurs et exploités, une classe de plus en plus restreinte en nombre d'exploiteurs rejetant dans la misère une classe de plus en plus nombreuse d'exploités.

Ce constat n'est que l'aboutissement d'un lent processus qu'il n'est pas inintéressant de rappeler brièvement dans ses grandes lignes.

Le capitalisme n'a pas toujours représenté le caractère négatif, destructeur et réactionnaire qui est le sien aujourd'hui. Il représente le passage obligé qui doit conduire à une société meilleure et dans laquelle l'individu ne sera plus contraint de vendre au plus offrant sa force de travail pour survivre.

Issu du mode de production féodal, le capitalisme va connaître sa phase ascendante du Seizième Siècle au milieu du Dix-neuvième. La bourgeoisie émerge comme classe sociale au cœur de la société féodale. De la crise du mode de production féodal va surgir la mise en place des premières formes, encore embryonnaires du mode de production capitaliste.

L'accumulation primitive du capital va commencer à se constituer dès le Seizième Siècle, avec la colonisation qui se développe. Elle sera l'œuvre de marchands et d'artisans. Cette accumulation de richesses va donner un coup de fouet à la production artisanale; l'évolution technique qui va s'en suivre va conduire à la naissance des premières machines. La machine reste une des caractéristiques principales du capitalisme et se différencie fondamentalement de l'outil. Dans les sociétés précédentes, par exemple dans l'Antiquité ou la Féodalité, les esclaves ou les serfs travaillaient, chacun individuellement, les uns à coté des autres, avec leur outil. La machine va permettre le travail collectif.

Mais si la machine est nécessaire à l'émergence et au développement du capitalisme, elle ne serait rien sans une main-d'œuvre qui lui est attachée. La paupérisation, à cette même époque, dans un certain nombre de pays d'Europe, d'une partie de la paysannerie va permettre à cette frange de la population, qui n'a plus de moyens d'existence, de transformer sa force de travail en marchandise.

Cette accumulation primitive du capital se fera en Europe à un rythme très différent d'un pays à l'autre. Les premiers pays émergents seront ceux où la noblesse a été le plus tôt affaiblie, où son pouvoir sur la paysannerie s'est le plus tôt distendu. C'est le cas de l'Angleterre, de la France, de la Hollande (où la lutte contre l'Espagne a laminé le pouvoir de la féodalité). L'Espagne et l'Italie, où l'influence de l'aristocratie et de l'église perdureront, offrent une évolution différente.

Née comme classe sociale au sein de la féodalité, la bourgeoisie va devoir rapidement se donner les moyens de développer les forces productives de son système. Pour ce faire, il va lui falloir s'émanciper totalement des institutions féodales.

De 1568 à 1581, aux Pays-Bas, la bourgeoisie va mener son combat contre la domination de la monarchie espagnole. Ainsi va se constituer la Hollande.

A partir de 1540, en Angleterre, la bourgeoisie va engager une lutte contre la monarchie qui aboutira en 1688 à une organisation où le parlement sera constitutionnellement dominant.

De 1789 à 1799 la bourgeoisie impose son pouvoir en France.

Dans un autre contexte, les colonies anglaises d'Amérique entameront leur révolution en 1775. On peut dire que cette révolution ne trouvera son achèvement qu'à la suite de la guerre de Sécession qui verra la victoire des industriels du Nord sur les propriétaires fonciers du Sud.

Si, de la fin du Seizième Siècle à la deuxième moitié du Dix-Neuvième les révolutions qui ont mis en place la bourgeoisie ont eu des caractéristiques diverses, si les processus ont varié, il faut noter qu'elles ont eu pour l'essentiel un seul objectif : liquider les anciens rapports de production féodaux et créer les conditions qui allaient permettre le plein développement des forces productives entravées jusqu'alors en créant une situation où la collectivisation de la force de travail allait enfin pouvoir donner sa pleine mesure. La collectivisation du travail va s'étendre dans le cadre favorable des nations et trouver son aboutissement en se généralisant au niveau mondial. Bourgeoisie et Prolétariat vont se renforcer et devenir les deux classes prépondérantes de la vie sociale, reléguant les autres classes de la société à un rôle qui ira en s'amenuisant.

L'une des caractéristiques les plus marquantes de l'expansion du capitalisme en Europe à partir de la deuxième moitié du Dix-neuvième Siècle est l'immense mouvement de populations et de capitaux qu'elle entraîne. De 1865 à 1915, trente huit millions de personnes vont quitter l'Europe. C'est l'occasion pour les puissances coloniales, en se débarrassant des couches de sa population qui se retrouvent sans toit ou sans travail, de peupler leurs colonies. Mais si l'Europe exporte ses exclus de la révolution industrielle, les mouvements de capitaux vers l'étranger sont tout aussi impressionnants. Selon J. Adda, entre 1840 et la Première guerre mondiale,

Pour les seuls investissements directs et de portefeuille, évalués à minima par les données de balance de paiement, l'encours des sorties brutes de capitaux (où stock d'investissement à l'étranger) passe de moins de deux milliards en 1840 à neuf milliards en 1870, vingt-huit milliards en 1900 et quarante-quatre milliards en 1913 dont les deux-tiers à l'actif du Royaume-Uni et de la France.

Pour le même auteur, il y a un lien direct entre l'émigration massive à cette époque et l'exportation colossale de capitaux. Le sous-emploi à grande échelle que traduit cette émigration est la conséquence de la concentration en hausse des revenus.

L'accélération des gains de productivité provoquée par la révolution industrielle ne donne pas lieu à une progression parallèle de la masse des revenus distribués mais à un accroissement des profits et à une centralisation du capital.

Cette masse de profit ne trouvant pas de débouchés à l'intérieur même des pays industrialisés qui la produisent va chercher une issue dans les anciennes colonies de peuplement devenues, pour beaucoup, indépendantes.

L'exportation de capitaux est ainsi le complément logique de la concentration intérieure du capital.

Ainsi, la caractéristique du capitalisme du Dix-neuvième Siècle est celle d'un mode de production qui, à tous les niveaux, utilise l'expansion, à une dimension déjà planétaire, comme vecteur de développement principal. Cette expansion dans le cadre du marché mondial est, comme nous l'avons vu précédemment, à la fois intérieure (développement de l'industrialisation dans l'enclos du territoire national unifié) et extérieure (colonisation et investissement dans les anciennes colonies de peuplement).

Mais dès cette phase ascendante du capitalisme, dès le milieu du Seizième Siècle, ce mode de production en pleine expansion commence à être miné par les contradictions:

Depuis des dizaines d'années, l'histoire de l'industrie et du commerce n'est autre chose que la révolte des forces productives contre les rapports modernes de production, contre les rapports de propriété qui conditionnent l'existence de la bourgeoisie et de sa domination.

Le Manifeste du Parti Communiste

Dans le but de surmonter ses contradictions le capitalisme est inexorablement amené à s'étendre sur l'ensemble de la planète, à passer à un échelon “supérieur”, celui de l'impérialisme.

Dans L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine explique que le marché mondial étant globalement réalisé, capital industriel et capital bancaire vont, sous l'égide de ce dernier, fusionner pour donner naissance au capital financier. Les entreprises capitalistes “classiques” vont céder le pas aux grands monopoles. Un certain nombre de grands groupes industriels et financiers vont se constituer, acquérant une dimension internationale qui n'a fait que se renforcer jusqu'à aujourd'hui ; citons, par exemple et entre autres : Siemens, Nestlé, Saint-Gobain, Kodak...

La Première guerre mondiale a été l'aboutissement de la politique impérialiste de conquête des marchés,

une guerre pour le partage du monde, pour la distribution et la redistribution des colonies, des “zones d'influence” du capitalisme financier.

La Première guerre mondiale affaiblit considérablement les bourgeoisies européennes et propulsa l'économie américaine dans les premières places des grandes puissances économiques mondiales. La bourgeoisie américaine développa alors une politique de libéralisme intense qui se heurta aux barrières protectionnistes des nations européennes. La crise de 1929, conséquence, entre autres, de la spéculation effrénée de la bourgeoisie américaine, s'étendit aux nations européennes. La Deuxième guerre mondiale finit par placer, définitivement, au premier rang des nations l'impérialisme américain.

En fait, si on considère globalement l'essor du capitalisme de sa naissance à aujourd'hui, on constate que le phénomène de mondialisation qui caractérise son développement était à l'œuvre et dans un processus éminemment intense lors de la seconde moitié du Dix-neuvième Siècle et du début du Vingtième. La situation créée avant, pendant et après la Deuxième guerre mondiale, situation qui a consisté, pour les puissances colonisatrices européennes, à transformer en chasses gardées leurs colonies et à ériger de nombreux obstacles s'opposant à la circulation des marchandises et des capitaux afin de protéger et de rebâtir leur économie exsangue, a en quelque sorte gelé ce processus de mondialisation propre au capitalisme.

Au lendemain de la Deuxième guerre mondiale les principales puissances européennes, Angleterre, France, Allemagne et le Japon devaient redémarrer leur économie ruinée... Cela se fit dans le cadre d'une exploitation intense de la classe ouvrière (horaires de travail allongés, bas salaires). Les Etats pour payer leurs dépenses intérieures faisaient “marcher la planche à billets”, la monnaie nationale n'avait aucune valeur sur le marché international. La seule monnaie crédible était le dollar. Les pays européens pratiquaient entre eux le troc...

La mise en place du plan Marshall par les États-Unis permit d'amorcer un redémarrage de l'économie internationale. Ces prêts consentis aux pays européens par les USA n'étaient pas désintéressés car les USA avaient besoin du retour à la normale du marché mondial et les exportations américaines de marchandises et de capitaux étaient vitales pour l'économie du pays.

Courant des années 50 les économies capitalistes se remirent en route et la bourgeoisie vit enfin refleurir de manière durable ses profits. Cette expansion, qui s'est poursuivie la décennie suivante, s'est donc appuyée sur un essor du crédit et s'est faite avec l'appui des États. Elle s'est traduite indéniablement par une amélioration des conditions de vie des travailleurs (Sécurité sociale, Conventions collectives, relèvement des salaires...). Ces concessions faites, par la bourgeoisie, sous la pression de la classe ouvrière, se traduisirent par une baisse du taux de profit, phénomène en lui-même inéluctable, lié à la dynamique interne du capital. Pour rehausser ses profits, deux recettes furent principalement utilisées par la bourgeoisie: L'augmentation des prix (qui déboucha sur le choc pétrolier de 1973) et la baisse des coûts de production (qui se traduisit dans les secteurs les moins rentables par la réduction d'effectifs et par les attaques générales contre les salaires...).

Cette politique fut bien sûr relayée par les États qui apportèrent aux entreprises aides et subventions, ce qui les conduisit dans les années 70 et 80 à se couvrir de dettes, d'une part, et à développer l'inflation. Toutes ces mesures firent que, bien que dans un contexte de stagnation de la production, les profits refirent leur apparition.

Disposant de capitaux qu'elles ne pouvaient investir dans la production, faute d'avoir l'assurance de les faire suffisamment fructifier, les grandes entreprises virent leurs investissements s'orienter vers les marchés financiers, supposés plus “porteurs”. Cette orientation se fit d'autant plus facilement que les États supprimèrent, dans les années 80, la plupart des restrictions et des réglementations qui avaient été mises en place après le crash de 29 et qui tendaient à limiter la libre circulation des capitaux. En moins de dix ans s'est alors créé un vaste marché financier unifié permettant la libre circulation des capitaux sur l'ensemble de la planète.

Ce marché phénoménal se développe à une vitesse bien supérieure à celui de la production. Le montant des transactions financières serait de soixante à quatre-vingt fois plus grand que la circulation des biens réels. Le total des actions cotées en bourse en 99 était de 130 000 milliards de dollars, vingt fois plus que tous les échanges de marchandises et de services réalisés en 98.

En ce qui concerne la spéculation monétaire sur les 1300 milliards de dollars qui se déplaçaient en 96, chaque jour entre les différentes monnaies, 5 à 8 % au maximum correspondaient au paiement de marchandises ou de services vendus d'un pays à l'autre (il convient d'y ajouter les opérations de change non spéculatives). 85% de ces 1300 milliards correspondaient donc à des opérations quotidiennes purement spéculatives! Les chiffres sont à réactualiser, gageons que les 85% sont aujourd'hui dépassés.

Les gains issus de la spéculation sont si importants qu'ils ne sont pas seulement attractifs pour les entreprises “classiques” mais aussi pour bien d'autres, citons entre autres, les compagnies d'assurance ou les fonds de pension dont ENRON est un excellent exemple.

Si le développement actuel de la sphère financière est sans précédent, il n'en reste pas moins qu'il s'inscrit naturellement dans la logique même de l'économie de marché, il ne s'agit en aucun cas d'une "nouvelle phase" du capitalisme que ce dernier aurait fait surgir de manière imprévisible et échappant à l'analyse marxiste.

Marchés financiers

Les marchés financiers ne sont pas une nouvelle catégorie, extérieure, distincte du marché mondial. Les capitaux ont de plus en plus de difficulté à produire de la valeur dans le cadre de la production, les marchés étant, comme on l'a vu, de plus en plus saturés et la concurrence de plus en plus féroce. La spéculation représente le moyen complémentaire, pour ne pas dire principal, pour la bourgeoisie, de s'approprier la plus-value. Mais c'est là une des contradictions actuelles, fondamentale, du capitalisme: les marchés financiers ne peuvent bien sûr exister que parce que la production de marchandise existe et, en même temps, ces mêmes marchés financiers, de par leur essor, en se désinvestissant de la production la conduisent à l'asphyxie.

Une règle s'est imposée, fixant à 15% l'objectif minimum de rendement pour les capitaux investis dans les entreprises. Pour atteindre ou dépasser ce taux de croissance des actions, la bourgeoisie a dû accroître les conditions d'exploitation de la classe ouvrière: les rythmes de travail ont été intensifiés, les salaires réels baissés. Les licenciements collectifs ont touché des centaines de milliers de travailleurs. La pratique de la délocalisation est devenue une méthode couramment employée entraînant de nombreuses fermetures d'usines. Des pans entiers de la production ont cessé toute activité et des régions entières se sont retrouvées économiquement sinistrées, tout cela dans le but de provoquer une augmentation des bénéfices au niveau global de telle ou telle entreprise afin de faire monter le cours des actions (dès qu'un plan de licenciements dans une entreprise est envisagé, le cours de ses actions passe à la hausse).

L'accumulation des profits financiers et spéculatifs alimente un processus de désindustrialisation entraînant chômage et misère sur l'ensemble de la planète.

La sphère financière ne créant aucune richesse, les profits dégagés proviennent des ressources issues de la production, celle-ci stagnant, la bourgeoisie est contrainte de ponctionner sur la part du produit qui était attribué, concédée à la classe exploitée des pays dominants et, bien sûr, de mettre encore et toujours plus à contribution les populations des pays pauvres. Les 20% les plus pauvres de la population mondiale se partagent 1% du revenu mondial alors que les 20% les plus riches en ont 80%!

Cette fameuse “mondialisation” qui est le résultat d'une offensive des principales bourgeoisies et de leurs États respectifs (USA en tête) pour rétablir une meilleure rentabilité pour les capitaux est en fait une étape de libre concurrence à l'échelle mondiale entre les trusts industriels et financiers. Elle a, bien sûr, été présentée comme une alternative bénéfique à l'économie des pays de l'Est qui venaient de s'effondrer, alternative qui devait faire bénéficier l'ensemble des peuples d'une prospérité jusqu'à présent inégalée. En fait, les effets de cette globalisation des marchés se traduisent par un accroissement sans précédent de la misère, dans les pays pauvres, bien sûr, mais aussi au cœur même des pays industriels.

Si au début du stade de l'impérialisme, les profits engrangés grâce à l'exploitation des colonies et de leurs peuples avaient permis aux bourgeoisies dominantes de garantir une certaine paix sociale en faisant bénéficier la classe ouvrière d'une fraction de l'extorsion de la plus-value, il n'en est plus de même aujourd'hui, la logique spéculative impliquant une remise en cause de tous les acquis sociaux arrachés lors des décennies précédentes par les travailleurs des “pays centraux” à leur bourgeoisie.

FMI, Banque Mondiale : des instruments au service exclusif de la bourgeoisie

Les anti-mondialistes, ATTAC en tête, nous expliquent qu'une régulation du système est possible. Ils nous disent qu'on peut humaniser ce capitalisme destructeur; qu'un certain nombre d'institutions internationales existent qui pourraient jouer ce rôle régulateur si elles n'étaient aux mains des États-Unis. La Banque Mondiale et le FMI représenteraient ainsi, sous certaines conditions, des planches de salut vis à vis de l'impérialisme. Mais que sont donc ces institutions internationales? Le FMI, comme la Banque Mondiale, sont nés de la Conférence de Brettons Wood en 1944. Cette conférence, sous l'égide des USA était destinée à imposer un ordre monétaire qui allait permettre à l'impérialisme US de s'étendre à toute la planète. Le Traité signé à l'issu de cette conférence stipulait que toutes les monnaies devaient s'échanger les unes les autres, être convertibles suivant des taux fixes, et que chacune d'elles pourrait être convertie en dollars, le dollar étant quant à lui convertible en or.

L'expansion capitaliste, après la guerre, s'étendit sur les fondations de ce système. Le dollar fut la monnaie sur laquelle s'appuyèrent les États, monnaie fabriquée par les États-Unis à grand tirage pour payer l'endettement pharamineux de cette “expansion à crédit”.

Ce système fonctionna tant que la confiance dans le dollar continua d'exister. A partir de la deuxième moitié des années 60 le taux de croissance de l'économie amorça une baisse. Avec l'intervention américaine au Vietnam les dépenses à l'extérieur augmentèrent et avec elles la masse de dollars fabriqués, la conséquence étant une déstabilisation des marchés financiers. Le 15 août 71, le président Nixon décrétait la fin de la convertibilité du dollar.

Le FMI dont le rôle était de veiller au contrôle des taux de change révéla son impuissance dans ce domaine mais son rôle évolua alors et il fut chargé, au service des banques occidentales, d'imposer des plans de mesures économiques aux pays qui ne pouvaient plus rembourser leurs dettes. Dans les années 80, le FMI sera l'instrument de la libéralisation qui va faire tomber toutes les réglementations afin de pouvoir créer un marché financier dans lequel les capitaux pourront donner libre cours à la course au profit.

Ce même FMI continuera par la suite à jouer son rôle en amplifiant la fuite en avant des marchés financiers lors des crises qui frapperont l'Asie puis l'Amérique du Sud.

Instruments de l'évolution du capitalisme depuis plus d'un demi-siècle, le FMI et la Banque Mondiale sont au service des trusts et des banques et ne sauraient en aucun cas, contrairement aux assertions de certains “anti-mondialistes” se retrouver au service d'une société dont le moteur ne serait plus la quête effrénée du profit.

L'Impérialisme et ses contradictions

Les périodes de croissances longues ont toujours suscité le sentiment que s'ouvrait une ère infinie de prospérité auto-entretenue. Ce fut le cas dans les années vingt et dans les années soixante. Historiquement cet optimisme s'est révélé infondé. Aujourd'hui, la nouvelle révolution technologique est aussi à l'origine d'une vague d'optimisme. Il est indéniable que les nouvelles technologies participent à l'expansion de l'économie mondiale et en modifient son fonctionnement. Il est cependant plus discutable qu'elles puissent abolir les cycles économiques. Certains déséquilibres font toujours peser des menaces sérieuses sur les perspectives de court terme et " l'ère nouvelle " ne semble pas armée pour résoudre toutes les anciennes difficultés.

L'économie mondiale, 2001 - Dées

En effet, le développement actuel de l'impérialisme sur toute la planète, sa puissance financière et militaire peut laisser à penser que nulle force ne pourra entraver sa course. Mais plus l'impérialisme progresse et plus il développe ses contradictions, contradictions qui lui seront à terme fatales si la classe ouvrière s'en donne les moyens.

La bourgeoisie n'a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort, elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes, les ouvriers modernes, les prolétaires.

Marx - Le Manifeste du Parti Communiste.

La classe ouvrière mondiale est en expansion permanente. Si, dans les pays industrialisés les plus riches, elle a vu sa composition évoluer (le secteur industriel s'est affaibli au profit des “services”), elle ne s'en est pas moins renforcée et si elle n'est pas actuellement en pleine adéquation avec sa fonction historique de classe révolutionnaire, elle reste, qu'elle en soit consciente ou non, potentiellement...

la classe exploitée et opprimée (qui) ne peut plus s'émanciper de la classe qui l'exploite sans libérer en même temps et à tout jamais la société entière de l'exploitation, de l'oppression et des luttes de classes.

F. Engels

Dans les pays pauvres, la délocalisation a entraîné la constitution d'une classe ouvrière concentrée qui a déjà, à de nombreuses reprises, montré sa combativité; ne citons comme exemple que la Corée du Sud ou le Brésil. Les bases matérielles existent pour que la solidarité entre les prolétaires des différents pays devienne une réalité qui prenne vie jour après jour, pour que l'internationalisme redevienne porteur d'un espoir.

Les délocalisations, les concentrations, le développement de trusts ayant des implantations à travers toute la planète ont créé une économie organisée à l'échelle mondiale. Des millions de travailleurs participent désormais à un processus économique commun. La socialisation de la production fait que, plus que jamais, les conditions objectives existent qui permettent l'avènement d'une société socialiste.

La mondialisation, Impérialisme d’aujourd’hui

La mondialisation n'est pas un phénomène nouveau, produit de la politique menée dans les dernières années par quelques politiciens libéraux, américains ou européens. C'est un processus contenu dans l'essence même du capitalisme. Ce qui est arrivé dans les dix dernières années, c'est d'une part des sauts technologiques qui ont permis que tout produit, quel qu'il soit, peut être fabriqué, assemblé n'importe où dans le monde, d'autre part, c'est le développement du démantèlement des systèmes de protection sociale dans les pays du centre du capitalisme, les deux aspects se renforçant l'un l'autre. Les entreprises multinationales investissent en sachant qu'elles produisent pour et dans un marché désormais réellement planétaire. Ces entreprises jouent avec les différences entre Etats: législations sociales et écologiques, impôts, infrastructures, formation des travailleurs, coût de la main d'œuvre, de l'énergie, etc... pour installer telle ou telle unité de production ici ou là. L'Etat a pour rôle de développer les réseaux de transport, de communication, pour les échanges économiques. Il se doit de mettre en place un système éducatif répondant aux besoins industriels et de services, d'une législation sociale encadrant les travailleurs et assurant le minimum vital pour ces derniers sur le plan de la maladie, des retraites... l'essentiel de ces dépenses devant rester à la charge des travailleurs.

La mondialisation n'est que le prolongement de la phase impérialiste du mode de production capitaliste. Il est intéressant de souligner que c'est au moment même où le concept d'“impérialisme” prend toute sa dimension, au moment où le capitalisme s'est répandu sur toute la planète, au moment où il atteint son apogée dans le cadre de l'exploitation, que ce concept est abandonné au profit d'une dénomination fourre-tout: la “mondialisation”.

C'est cet impérialisme qui explique les déchaînements guerriers du XX° siècle, les deux guerres mondiales, les perpétuelles guerres locales qui ensanglantent des pays entiers (Corée dans les années 50, Vietnam dans les années 60-70, Afghanistan depuis la fin 80...).

L'extension de la pauvreté “grâce” aux “ajustements structurels”, les différentes “dérégulations” pas plus que les guerres ne sont dues à de mauvais dirigeants, trop à droite, trop libéraux, trop agressifs. Ces politiques sont le fruit d'un système, le système capitaliste qui n'est pas réformable, qui n'est pas humanisable. L'abandon, par les bourgeoisies européennes, des politiques de protection sociales (Keynésiennes) n'est pas dû à une tendance perverse, mais à l'intensification de la crise du mode de production capitaliste, à la baisse du taux de profit, qui a accru le besoin de concurrence entre entreprises.

Combattre aujourd'hui les effets “néfastes” de l'OMC, du FMI ou des autres organismes économiques chargés des basses besognes du capitalisme, c'est aussi absurde que de vouloir combattre “la Poste” dans ses aspects négatifs (envoi de mauvaises nouvelles, factures, quittances de loyer, avis d'huissier, etc...). La “mondialisation”, visage actuel de l'impérialisme, est la seule voie que le capitalisme peut prendre pour continuer à se valoriser. Sa spécificité: la concentration industrielle et financière ne peut être combattue par “une autre politique”, plus social-démocrate, keynésienne... Il faut lutter contre le système lui-même qui porte en lui misère, catastrophes écologiques et guerre. Aujourd'hui, seule une forte reprise de l'initiative de la classe ouvrière, une défense intransigeante face aux attaques massives du capital, face aux dérives guerrières bien présentes actuellement, peut faire obstacle à la “bonne” marche du capitalisme, sous toutes ses formes. C'est pour cela que la tâche prioritaire des révolutionnaires est de contribuer - dans la mesure de leur force - à la reprise des luttes prolétariennes, indépendamment des politiques de conciliation et de logiques syndicales.

Cette reprise de classe n'aura pas d'espoir de victoire sans l'organisation politique adaptée à la conduite de cette immense bataille: Le Parti International du prolétariat.