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Accueil ›Pourquoi on perd tout le temps?
Le monde ouvrier va mal, de la défaite de Rio Tinto Alcan au conflit de MAPAI qui s'enlise, en passant par la fermeture de Old Dutch, de la défaite à Aveos et la loi spéciale dans la construction, la classe ouvrière au Québec semble en fait ne subir que défaite sur défaite. À l'internationale, ce n'est pas mieux, les défaites des travailleurs et travailleuses de l'automobile en France, ou l'échec du prolétariat grec, espagnol, portugais, anglais et italien à faire obstacle à de violents plans d'austérité en témoigne. Pourquoi? Pourquoi nos grèves ne semblent plus avoir le rapport de force nécessaire pour faire plier les patrons? Nous tenterons de donner des réponses et aussi, de proposer des pistes d'actions pour contre-attaquer efficacement les offensives patronales, notamment en donant des exemples de luttes victorieuses.
Les règles du jeu
La vaste majorité des grèves sur le territoire du Québec sont des grèves qui ont lieu dans une période de négociation de conventions collectives, dans un cadre légal très stricte, qui a tendance à isoler les grévistes à chaque injonction, que les employeurs n'hésitent pas a faire pleuvoir. Nous nous battons sur le terrain de la légalité bourgeoise, avec les règles que nos ennemis nous fixent. Les relations incestueuses entre le patronat et l'État ne sont plus à démontrer. L'État capitaliste n'étant que l'appareil de domination de la bourgeoisie. Ses lois ''spéciales'' casse-grèves et ses injonctions le prouvent à chaque lutte. Suivre les règles, respecter les injonctions, refuser l'illégalité et la désobéissance, c'est faire le jeu des patrons, c'est donner toute l'initiative et le choix du terrain à l'adversaire, c'est se condamner à perdre. Le mouvement ouvrier s'est construit dans l'illégalité. Ses victoires ont toujours impliqué la désobéissance civile et le nécessaire travail d'organisation pour résister à la police. (le cas d'Aveos, où la police a défoncé les lignes de piquetage ouvrières en mars passé pour permettre aux patrons de sortir les machines et de fermer la shop, devrait nous rappeler que la police de l'État bourgeois est prête à tout pour réprimer nos grèves à coup de matraques et de gaz). Par la grève illégale et sauvage, le non respect des injonctions et l'organisation de notre résistance, nous imposerons nos règles du jeu.
Gagner ensemble
Nous luttons souvent isoléEs, usine par usine, entreprise par entreprise, secteur par secteur. La force de notre classe vient de sa solidarité et de son nombre. L'unité de nos luttes est primordiale. Les garagistes du Saguenay se battent dos au mur, les lock-outés de Kronos et de Silicium, les grévistes de Mapei, tous et toutes luttent isoléEs. Les travailleurs doivent se rassembler, visiter les lignes de piquetage des autres, participer à bloquer la production des autres entreprises, des manifestations et des actions communes doivent être organisées, des structures de coordination doivent être dévelopées. L'unité des luttes ouvrières est une priorité pour s'assurer de donner un véritable coup au patronat.
Sauvons-nous nous mêmes
Un autre problème des luttes des travailleuses et de travailleurs en ce moment est la modération forcée imposée par les représentants syndicaux. On peut voir le cas de Mapei où le permanent syndical a tenté de faire lever un blocage de solidarité, ou au Saguenay où les permanents ont découragé les actions de solidarité et les visites de travailleurs et de travailleuses sur les lignes de piquetage. Ou encore en négociant à rabais dans la construction et en acceptant tout bonnement la loi spéciale péquiste. Si les syndicats agissent de la sorte, c'est que les bureaucrates qui les composent, priorisent l'appareil avant la lutte. Les permanents, les bureaucrates vivent des cotisations syndicales, ils ne peuvent pas mettre en danger l'appareil en transgressant les lois, en se liant avec des travailleurs et travailleuses d'autres centrales syndicales. Ces personnes ne seront jamais capables d'aller plus loin que la stricte légalité et le cadre de lutte imposé par l'État et les patrons, car leurs conditions de vie en dépendent. Nos luttes doivent être autonomes des syndicats, il faut créer des comités de grèves, qui ne sont ni encadrés par la loi, ni par les bureaucraties syndicales.
La meilleure défense, c'est l'attaque
Un problème majeur des luttes actuelles est de laisser, la vaste majorité du temps, l'initiative au patronat. Le patronat est à l'offensive et tout le mouvement ouvrier est sur la défensive. Donnons l'exemple de la dernière grève dans la construction. Alors qu'une campagne offensive aurait pu être menée, notamment sur la sécurité (un prolo de la construction meure tous les 5 jours ouvrables d'un accident de travail). Mais les directions syndicales se sont réfugiées dans un discours de défense des acquis, de protection, plutôt que d'employer une rhétorique agressive sur l'hygiène sur les chantiers et la sécurité. L'opinion publique aurait déjà été plus favorable à une lutte pour sauver la vie de travailleurs et de travailleuses et cela aurait mis des bâtons dans les roues du gouvernement péquiste, car il aurait été très facile de renvoyer le gouvernement dans les câbles en l'accusant de faire passer les profits avant la vie (ce qui est vrai de surcroît). Aussi, aucune action contre les bureaux des entrepreneurs, le conseil du patronat, ou le gouvernement à la veille de la loi speciale n'a été entreprise. Les actions se sont limitées à barrer l'accès aux chantiers. En adoptant une position défensive nous laissons à nos adversaires le choix de décider où nous frapper et quand. Le prolétariat doit repasser à l'offensive le plus vite possible.
Des luttes exemplaires
Suite à l'interdiction de grève qui avait frappé les employés du transporteur aérien Air Canada en 2011, un bagagiste a dit sa façon de penser à la ministre fédérale des transports. Lui et quelques-uns de ses collègues qui avaient applaudi à ses propos, ont été licenciés en mars 2012 pour leur attitude. Les bagagistes de l'aéroport Pearson de Toronto ont déclenché une grève illégale demandant leur réintégration, rapidement suivie par les mécaniciens et mécaniciennes et les autres employéEs au sol. La grève s’est rapidement propagée à l'aéroport d'Ottawa et l'aéroport Pierre Éliott Trudeau à Dorval. Même les pilotes d'Air Canada ont décidé de ''caller malade", tous la même journée en solidarité. Le résultat fut la réembauche des travailleurs licenciés et le renvoi des cadres qui avaient procédé aux congédiements. Cette lutte est exemplaire par sa défiance de la légalité bourgeoise, sa capacité à créer une unité entre travailleurs et travailleuses, malgré les différentes professions et les séparations géographiques. Les ouvriers sud-africains de tous les secteurs se sont lancés dans une série de grèves offensives depuis deux ans en suivant des principes similaires et en remportant de nombreuses victoires. Le prolétariat égyptien a fait tomber deux gouvernements et remporter des victoires matérielles substantielles depuis deux ans avec ce genre de tactique. Ces luttes sont exemplaires, mais elles sont loin de suffire.
Garantir nos acquis
Même si les travailleurs et travailleuses ne menaient que des luttes victorieuses, qu'ils et elles arracheraient sécurité sociale, des hausses de salaires, la diminution du temps de travail et autres, rien n'empêcherait la bourgeoisie de reprendre ses acquis plus tard, ou de les reconquérir via l'exploitation de nos frères et soeurs vivant dans d'autres régions du globe. La bourgeoisie, comme classe dominante, est hautement organisée, nous le sommes largement moins.
Si les luttes victorieuses servent à augmenter la confiance en notre capacité d'agir et de gagner, elles sont aussi un terrain fécond pour que les membres de la classe ouvrière les plus avancés politiquement - les révolutionnaires - puissent se rencontrer et partager leurs expériences. De ces rencontres, nous espérons voir naître un parti politique anti-stalinien et anti-parlementaire à l'image de nos pratiques, méthodes, ambitions et espoirs. Au GIO, nous ne prétendons pas être l'embryon de ce parti, mais une de ses futures composantes.
Ceci dit, la question de l'organisation révolutionnaire ne doit pas mettre dans l'ombre un autre aspect essentiel: l'auto-activité, la résistance et la créativité de l'ensemble des exploitéEs qui choisissent de dire enfin non au capitalisme. C'est par l'action de masse que nous pourrons prendre contrôle de nos lieux de travail, de nos quartiers et, à vrai dire, de l'ensemble de la société. C'est à même ces lieux stratégiques au niveau du pouvoir économique et politique que pourront se composer les assemblées populaires et conseils ouvriers qui seront les nouvelles bases de notre démocratie. La structure administrative de la société que nous envisageons viendra consolider le travail des conseils en défendant leurs avancées et en coordonnant leurs activités. L'ensemble de ce processus permettra de planifier démocratiquement l'économie en fonction des besoins humains et non en fonction du profit qui pourrit l'harmonie sociale et la vie de milliards de prolétaires. Nous pensons que ce projet est le projet politique historique de la classe ouvrière : nous appelons ce projet le communisme.
Maximilien et NicolasL'Internationale #2013-09-01
Nouvelle série, septembre 2013
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