20 ans après la chute du Mur de Berlin

Les tensions entre les Etats impérialistes sont toujours aussi présentes

Nous n’allons pas sombrer dans les commémorations faciles et imposées par la bourgeoisie internationale qui se félicite à bon compte de la disparation du mur de Berlin qu’elle avait créé quand cela l’arrangeait. De même nous n’allons pas nous enthousiasmer de l’effondrement du bloc impérialiste de l’Est. Les champions du «libéralisme» n’ont pas à se réjouir trop vite de la disparition d’un de leurs rivaux et devraient être plus modestes du fait de la crise économique qui signe la faillite de leur modèle. D’ailleurs la bourgeoisie a recréé encore de nombreux murs entre les USA et le Mexique par exemple ou entre Israël et la Palestine et à Chypre entre les turcs et les grecs. Nous préférons dresser un constat de l’impérialisme de l’après «Guerre froide» en Europe et par conséquent entre les différentes puissances mondiales qui n’auront de cesse que de nous entraîner vers de nouvelles boucheries sans nom.

La «Guerre froide», le monde coupé en 2 blocs impérialistes rivaux

Sur ordre du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, le mur de Berlin a été construit à compter du 13 août 1961 pour combler une brèche du rideau de fer en séparant la zone soviétique des zones occidentales de Berlin. L’objectif affiché était de mettre fin à une véritable hémorragie humaine d’Est en Ouest, de la République démocratique d’Allemagne vers la République fédérale d’Allemagne. En fait, il s’agissait de bien plus que cela, il fallait asseoir la domination de chacun des impérialismes sur leurs propres camps qui étaient déjà séparés par un rideau de fer hermétique divisant toute l’Europe.

Mais pour comprendre ces événements, il faut revenir à la fin de la Seconde Guerre mondiale qui annonce l'émergence d'un nouveau conflit plus larvé et plus long: la Guerre froide. Les puissances impérialistes ne parviennent pas à mettre fin aux tensions impérialistes qui, en fait, n’avaient pas cessé de se succéder depuis la première guerre mondiale. Les conflits d'intérêts entre les nouvelles puissances impérialistes mondiales s’étaient multipliés. Il en résulte une longue période de tensions, ponctuées de crises aiguës débouchant parfois sur des conflits militaires locaux dans tous les pays du tiers monde sans pourtant déclencher de guerre ouverte entre les États-Unis et l'URSS. De 1947 à la fin de la Guerre froide, l'Europe, divisée en deux blocs, se trouve au centre d’un l'affrontement indirect entre les deux superpuissances. La Guerre froide atteint son premier moment fort lors du blocus de Berlin en 1948 encore à Berlin!

Après 1961, le Mur, construit sur 43 kilomètres, est rapidement devenu le symbole de la division de l’Allemagne, de l’Europe et du monde en deux blocs: l’Est dominé par Moscou et l’Ouest sous la houlette de Washington.

La victoire des USA au cours de la guerre froide?

La chute du Mur, le 9 novembre 1989, a une dimension stratégique majeure. Elle marque la victoire de la stratégie américaine qui visait depuis le début des années 1980 à pousser l’Union soviétique à l’asphyxie au moyen de l’Initiative de défense stratégique (IDS) pour l’obliger à lâcher son emprise établie à la faveur de la fin de la Seconde Guerre mondiale sur les pays situés à ses frontières occidentales, dont la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, etc. Les Etats-Unis et l’Allemagne fédérale ont été les principaux acteurs de cette politique et donc de la réunification de l’Allemagne qui s’en est suivie.

Mais quel est le jeu de l’URSS? La victoire des USA n’empêche pas de se poser des questions sur d’éventuelles connivences de Moscou. Le livre du journaliste Michel Meyer «L’histoire secrète de la chute du mur de Berlin» (aux éditions Odile Jacob) et les dernières déclarations de Gorbatchev montrent que les choses ne sont pas aussi claires. La volonté des chefs du Kremlin et de Gorbatchev était de laisser filer les choses à Berlin pour permettre une division entre les européens et les USA, en cela il voulait continuer la politique du Tsar Pierre le Grand en s’ouvrant et s’alliant à l’Europe. Les événements allèrent si vite et les dirigeants des pays de l’Est se montrèrent si peu clairvoyants qu’ils ont fait capoter l’opération. Mais n’est ce pas toujours la politique russe? Poutine se situe toujours pleinement dans cette politique: éjecter les USA de l’Europe. A long terme, l’on ne sait qui sera gagnant!

Enfin, la chute du Mur ouvre une interrogation: que faire des anciens satellites de l’URSS? Ces pays d’Europe centrale et orientale restent suspendus dans un vide inconfortable durant quelques années. C’est ainsi qu’ils sont progressivement intégrés à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) puis à l’Union européenne. Qui aurait imaginé au début des années 1980 que la Lituanie, la Pologne ou la Roumanie deviendraient un jour membre de l’UE et a fortiori de l’Otan?

En 2009, au-delà de l'image d'un couple politique franco-allemand, quelles sont les relations impérialistes entre Paris et Berlin?

Avant même la chute du mur de Berlin, les relations entre la France et l’Allemagne fédérale ne sont pas aussi simples que les commémorations du traité de l’Elysée (22 janvier 1963) veulent le faire croire.

La France manque bien sûr d'enthousiasme à la perspective d'une réunification de l'Allemagne.

Les USA triomphent en 2004 et les relations franco-allemandes semblent amoindries par la mutation géopolitique de l’après-guerre froide en ouvrant de nouvelles marges de manœuvre aux États-Unis, notamment via les nouveaux États membres de l’Europe: les Etats baltes, et d'autres Etats d’Europe centrale et orientale.

En 2007, 21 des 27 membres de l’UE deviennent membres de l’Otan ce qui conduit la France à revenir dans le commandement militaire intégré de l’Otan, en 2009. Entre temps, Berlin administre à Paris une leçon en encadrant le projet de Nicolas Sarkozy - l’Union méditerranéenne - au sein des politiques européennes, sous le nom d’Union pour la Méditerranée: processus de Barcelone. Les relations franco-allemandes restent conflictuelles

En 1984 à 1992, les intérêts économiques et politiques sont les mêmes:

«A partir du Conseil européen de juin 1984 à Fontainebleau, la voie est libre. Très rapidement, Kohl et Mitterrand s’accordent et choisissent Jacques Delors. Le trio qui va donner le tempo à la construction européenne jusqu’à la ratification de Maastricht est alors en place. Après Maastricht, Mitterrand et Kohl estimeront tous les deux qu’il faut une pause. Un ralentissement nécessaire après une période 84-92 très intense: élargissement de l’Europe à l’Espagne et au Portugal, Acte unique, etc. L’Acte unique a d’ailleurs créé une gigantesque machine à normaliser qui continue à fonctionner, avec ses aspects positifs et négatifs. Plus d’autres initiatives européennes jusqu’à la gestation de Maastricht, l’accompagnement de la réunification allemande, l’euro, etc. C’est considérable! La grande politique européenne de Mitterrand, de Mitterrand-Kohl-Delors pour être plus précis, va de 1984 à 1992.» (Hubert Védrine Conseiller de Mitterrand puis Ministre des affaires étrangères in hubertvedrine.net)

Ensuite, les relations commencent à se tendre jusqu’à atteindre le sommet au moment de l question de la Yougoslavie où les intérêts sont alors franchement contraires

«Ce décrochage a commencé nettement après Maastricht. (…) On a bombardé l’opinion d’arguments d’autorité pour justifier un élargissement géographique permanent, certes justifié, mais qui a été perçu par les Européens d’origine comme changeant la donne. C’est un des aspects de la fuite en avant.
Dans la période Mitterrand, il y a eu en 1992 une discussion sur l’élargissement de douze à seize (en comprenant, à l’époque, la Norvège). (..) Mitterrand soutient Delors qui demande des réformes institutionnelles préalables. Kohl se met en colère. Pour lui, ce sont des manœuvres pour retarder l’élargissement. Il juge les Français égoïstes. Il y a eu là un différend réel entre Kohl et Mitterrand dont on a très peu parlé (alors qu’on a raconté beaucoup de sottises sur leur désaccord concernant la réunification allemande). Il y a eu de profondes dissensions sur la Yougoslavie (entre l’Allemagne et tous les autres) et sur l’élargissement de l’Europe. De fait, à partir de 1992, la seule politique commune des dirigeants européens est l’élargissement. Cependant, cet élargissement - à quinze finalement au lieu de seize reste encore viable. (..) C’est encore plus net pour l’élargissement à vingt-cinq.» (idem)

Ainsi on comprend parfaitement la différence de politique entre la France qui cherche à plus d’intégration politique entre les anciens membres de l’UE pour faire pièce à la force de l’Allemagne. Cette dernière tout en ayant besoin d‘intégration européenne cherche à regagner son aire d’influence au cœur de l’Europe ce fameux Mitteleuropa qui est son aire d’expansion traditionnelle. Cette politique s’est parfaitement vérifiée au moment de la question de la Yougoslavie. Il s’agissait de casser l’importance de la Serbie alliée traditionnelle de la France pour redonner de l’importance à la Croatie ex-province de l’Autriche-Hongrie.

La politique franco-allemand a t elle un avenir? «Chez ces gens-là, Monsieur, il n’y a que les intérêts impérialistes qui comptent!» Or, la France et l’Allemagne sont malgré tout contraintes à s’entendre alors que l’Union européenne se trouve face à des trensions considérables.

L'Union Européenne à 27, un projet américain?

C’est une réalité historique peu mise en avant mais les Etats-Unis ont été, dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale, des acteurs clés de cette construction là de l’Europe communautaire, par personnes interposées et au moyen de divers programmes. D’une certaine manière, la Guerre froide a été un élément "facilitateur" de la construction communautaire puisque l’URSS incarnait une forme de menace commune contre laquelle il fallait se serrer les coudes.

A la fin des années 1990 et au début des années 2000, il est clair que ce sont les Etats-Unis qui sont à la manœuvre et imposent le calendrier de l’élargissement de l’Union européenne (UE). Comment? En décidant d’élargir l’Otan à de nombreux pays d’Europe centrale et orientale en 1999 et surtout en 2004, ce qui a contraint l’UE à essayer de suivre le rythme. Seules la Roumanie et la Bulgarie, déjà entrées dans l’Otan en 2004 ont été contraintes d’attendre encore pour intégrer l’UE parce que «l’acquis communautaire était manifestement insuffisante». Bel argument! Dans une large mesure, l’Union européenne a donc eu à gérer l’"intendance" de la victoire stratégique des Etats-Unis sur l’URSS, à travers les élargissements de 2004 et 2007. Précédemment, en 2003, le président Georges Bush s’était "amusé" à diviser les pays membres et candidats à l’UE au moyen de sa stratégie en Irak.

Après avoir gagné la Guerre froide (1947-1990), les Etats-Unis ont connu un moment unipolaire extraordinaire, sans adversaire à leur mesure. Ils se retrouvent maintenant "embourbés" en Afghanistan et en Irak, sans parler de la crise économique. Et les ex-pays de l’Est ne sont plus aussi favorables aux USA. La politique change comme on peut le constater, les avantages économiques et stratégiques d’hier sont en train de se modifier rapidement, mais aujourd’hui encore les alignements impérialistes n’ont pas été totalement modifiés.

On voit que l’Europe tente d’acquérir une nouvelle politique de défense indépendante. Il a été créé les notions de «Politique étrangère et de Sécurité commune» (PESC) et de «Politique européenne de Sécurité et de Défense» (PESD). L’évolution viendra-t-elle des nouveaux membres?

Globalement, les pays d’Europe centrale et orientale après s’être tournés vers les Etats-Unis, s’en éloignent. L’Otan représentait une garantie immédiate et crédible de sécurité contre le danger en provenance de l’Est. C’est ainsi qu’ils avaient manifesté leur soutien à Washington au sujet de l’Irak. Par ailleurs, les subsides attendus de l’Otan pour l’installation de ses nouvelles bases n’ont pas été à la hauteur des attentes, ces pays ont été souvent obligés de financer leurs infrastructures eux-mêmes.

Le 19 juillet 2009, lors d’une rencontre entre Bernard Kouchner et le ministre des Affaires étrangères polonais Radoslaw Sikorski, ce dernier a remis à un document informel présentant ses propositions pour renforcer la politique de défense de l'UE. Il s’agirait d’une douzaine d'idées allant de la création de nouvelles unités militaires à des projets d'infrastructure et industriels. On sait que la bourgeoisie polonaise a, pour des raisons historiques, une véritable préoccupation de défense.

Par ailleurs, le Livre blanc français sur la défense écarte toute divergence en arrêtant la nouvelle doctrine quant aux relations entre l’UE et l’Otan.

«Il n’y a pas concurrence entre l’Otan et l’Union européenne, mais complémentarité: nous avons besoin des deux pour faire face aux menaces et aux crises.»

Nous venons de le voir: il n’y a jamais de fin de l’histoire dans les domaines militaire et impérialiste. Si les bruits de bottes se taisent en Europe même, de nouveaux enjeux et tensions sont prêts à resurgir et les nouvelles puissances ou alignements en constitution sont en train de fourbir leurs armes pour défendre leurs nouveaux intérêts. De nouvelles constellations impérialistes se préparent entre l’Europe, les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Le capitalisme ne s’arrête jamais et surtout pas en période de crise économique où les intérêts économiques s’aiguisent encore plus férocement. Les ouvriers n’ont rien gagné dans la chute du mur de Berlin, ils sont toujours aussi exploités par leurs bourgeoisies qui sont prêtes à leur faire subir de nouvelles avanies encore plus horribles que celles qu’ils ont déjà connues dans le passé.

Aurélien