Le capitalisme sans perfusion ne peut survivre. Panique chez les banquiers

Les phénomènes de la crise économique sont à nouveau visibles

Cet été l’ampleur de la crise économique a rappelé tout le monde à la réalité, le capitalisme vit au dessus de ses moyens. Jusqu’où les banques et les États pourront aller dans l’endettement pour maintenir le système hors de l’eau? Le krach a rappelé à tous que le capitalisme est voué à disparaître.

Les faits

La crise immobilière qui a s’est manifestée au mois d’août, vient de se transformer en crise financière. Au premier abord, elle a été analysée comme le passage d’un excès de liquidités monétaires à un manque. Comment les faits de cette crise, annoncée depuis longtemps, se sont-ils enchaînés? Les banques américaines pendant plusieurs années ont accordé des crédits immobiliers à des ménages peu solvables. Ces mécanismes fonctionnent à peu près normalement dans une phase d’expansion du système. Par contre, ils sont complètement perturbés quand nous nous trouvons dans une autre phase: quand l’économie subit un arrêt de son développement. C’est ce qui s’est produit, la situation devint alors ingérable. Les banques qui détenaient des hypothèques sur les biens immobiliers ont été trop gourmandes et prises par le jeu des profits alors qu’elles étaient dans une période où le développement rencontrait des difficultés. Elles ont transformé ces hypothèques en nouveaux produits financiers, c’est ce que l’on appelle la titrisation. Les fonds spécialisés sur ce marché se sont saisis de ces hypothèques. Ces mécanismes sont dits “subprimes” et pour pouvoir le faire ils recourent eux-mêmes à de nouveaux crédits. De ce fait, ils amplifient la bulle financière. Et, dans le même temps, le marché de l’immobilier non seulement a subi un arrêt mais surtout un retournement de tendance au même moment où une hausse des taux d’intérêts est survenue. Tout d’un coup il y a eu un manque d’argent frais sur le marché du fait de cette recherche de nouveau crédit pour des “subprimes”. Tout cela et l’augmentation des taux d’intérêts mettent les ménages emprunteurs dans l’impossibilité de payer les intérêts et de rembourser le capital. C’est alors qu’intervient la panique des fonds spéculatifs qui cherchent à “liquider” leurs titres en voie de “pourrissement” et dont ne veulent plus les banques. Mais, à force de prêter, le système financier et bancaire s’est trouvé dans cette situation de manque de liquidité ce qui a amplifié les difficultés. Il ne restait plus que l’intervention des banques centrales pour éviter le blocage de l’économie dû au manque de liquidités.

Journée noire du 13 août 2007, la crise immobilière se transforme en crise financière

Depuis trente ans ce type de crise se répète régulièrement: 1987 les bourses sont touchées, 1988 la faillite des caisses d’épargne américaines, 1998 la bulle des bourses en Asie, 2000 la bulle de l’Internet, 2001 la crise en Argentine, aujourd’hui l’immobilier américain. En fait, ce sont les mêmes causes qui produisent les mêmes effets.

Et chaque fois les banques centrales sortent le système de l’implosion en lui fournissant des liquidités en abondance tout en clamant leur vigilance devant le risque de l’inflation. La crise de 1929 avait été précédée, elle aussi, par une hémorragie de crédit. Certes les banques centrales ont compris la leçon de 1929, elles ouvrent maintenant le robinet du crédit lorsque la crise est là. Et, J-M Harribey dans un article du Monde (1) conclut: “Mais pourquoi le remède se transforme-t-il en poison?”

Et oui, plus forte sera la chute! Les mêmes causes produisent les mêmes effets quelques mois ou quelques années après. Le mal est trop profond, le capitalisme ne peut pas en sortir. Injecter de l’argent ne permet que reculer la crise.

Pris de panique le 13 août les marchés ont connu un véritable krach obligeant les institutions financières internationales à intervenir. (2) Dans ce désastre certaines banques n’arrivent plus à suivre. C’est ce qui s’et passé.

Aux États-Unis, début août, après Bear Stearns, le 12 août le géant de la finance Goldman Sachs s’est trouvé prise dans la tourmente. Le phénomène s’accélère quand la première banque française BNP Paribas a annoncé qu’elle gelait trois de ses fonds (SICAV) sous sa gestion, investis en partie en “subprime” (9 août). Dans la foulée la banque allemande WestLB est obligée de démentir les rumeurs concernant sa forte exposition (17 milliards de dollars) sur ce segment à risque. La panique a alors gagné les marchés le 13 août. Dès 10 heures les banques ont suspendu net leurs opérations de refinancement refusant de prêter aux autres établissements financiers par crainte de propagation de la crise. En conséquence le taux auquel les banques se prêtent de l’argent au jour le jour s’est envolé passant en quelques minutes de 4,10 à 4,70%. Mouvement d’une ampleur exceptionnel sur ces marchés qui a propulsé le loyer de l’argent à son plus haut niveau depuis six ans ... en quelques minutes. Cette panique a obligé la BCE, la Banque centrale européenne à intervenir à 10 h 30 avec une déclaration rassurante qui ne suffit pas apaiser les esprits. La BCE est donc passée à l’action indiquant qu’elle était prête à assurer à 100% les demandes de prêts des banques. C’est alors que 49 banques ont demandé des fonds conduisant la BCE à injecter 94,84 milliards d’euros en urgence dans le circuit (3).

La soudaineté de cette intervention et surtout son montant astronomique - qui dépasse de près de 30 milliards les liquidités injectées au lendemain du 11 septembre - témoigne de la gravité de la crise. (4)

De même aux USA, la FED (Réserve fédérale) est aussi intervenue offrant 90 milliards de dollars (67 milliards d’euros) puis la banque du Canada interviendra elle aussi.

Loin de rassurer les traders, ces tensions sur le marché du crédit ont provoqué un affolement général sur les grandes places boursières. Wall Street perdait 1,75% et en Europe les indicateurs comme le CAC, le Dax et le Footsie reculaient tous de 2%. Le marché estimait à 300 milliards de dollars l’exposition des banques aux “subprime” alors que 3 milliards de dollars avaient été identifiés.

La confiance ne revient pas, le 16 août ce fut un nouveau “jeudi noir” sur les bourses. Elles chutent lourdement: -6,93% à Séoul, -1,99% à Tokyo, le CAC à Paris perd 3,26%, -4,10% à Londres et Wall Street -0,12%. Les spécialistes s’interrogent: “Peut-on parler d’un Krach?”, s’interroge le Monde (5). Réponse “on préfère parler de ‘correction brutale’”. Pour les économistes, il ne faut surtout pas prononcer le mot de krach de triste mémoire. Aujourd’hui ces sycophantes estiment qu’il faut traiter l’économie en psychologue. La confiance en un levier du capitalisme plus fort que l’économie elle-même, elle existe si on le clame fortement et si on fait croire qu’elle est bien présente. C’est pourquoi, les bourgeois cachent (se cachent) la réalité et ils s’auto rassurent eux-mêmes. Et, il ne s’agit même pas d’idéologie pour ces derniers. En effet, il ne s’agit pas de le cacher pour ne pas être obligé de reconnaître le triomphe de la théorie du marxisme par rapport à son explication des crises cycliques du capitalisme car ils sont réellement ignares en économie. Non, en fait il s’agit de faire croire aux traders que tout va bien, que le marché est sous contrôle, et tout le monde veut bien le croire.

Le 17 août, il faut se rendre à l’évidence, la crise est plus profonde et les marchés ne se calment pas. La FED est obligée de baiser son taux d’escompte de 0,50 point à 5,75%. Un assouplissement d’urgence de ce type n’était pas intervenu depuis plus de 6 ans (en septembre 2001) ce qui a enfin permis un rebond des bourses. Jusqu’à quand!

Ça continue

Mais, le serpent de mer réapparaît rapidement. Le 14 septembre la huitième banque britannique, Northern Rock doit faire appel à la banque centrale pour se financer (6) car ses actions avaient décroché de 30% et les épargnants se pressaient à ses guichets pour retirer leurs économies. Il fallait frapper fort, le 18 septembre la FED réduit le taux des fonds fédéraux de 5,25% à 4,75% et le taux d’escompte (le taux de financement d’urgence des banques auprès de la banque centrale qui avait été réduit d’un demi-point le 17 août) passe de 5,75% à 5,25%.

Ces nouvelles mesures ont fait remonter les indices boursiers. Il est trop tôt encore pour juger du résultat suite à cette politique de baisse des taux. Certains disent même:

Et allez nous faire croire que la remontée de 5% des indices boursiers de la zone en moins de 48 heures résulte de la pure confrontation entre l'offre et la demande: il s'agissait d'une véritable opération commando à grande échelle déclenchée contre les vendeurs à découvert (qui ont les fondamentaux avec eux... tandis que Ben Bernanke ne dispose que de la planche à billets).

La Chronique Agora

Veut-on nous dire qu’il y a eu d’autres interventions cachées provenant de ce que l’on appelle les “investisseurs institutionnels” c'est-à-dire des institutions étatiques ou des institutions internationales qui ont racheté des actions pour les faire remonter?

Dans la vie réelle, les conséquences de la crise immobilière actuelle vont être catastrophiques pour ne nombreux ménages. En Amérique l’ont va connaître une véritable épidémie de saisie de biens. En Grande Bretagne, depuis le début de l’année les créanciers ont saisi 14 000 logements soit une hausse de 30% par rapport à la même période l’année précédente. Et, 125000 ménages sont en retard pour leurs remboursements. Mais il y aura d’autres conséquences au niveau de l’emploi. Déjà aux États-Unis, dans le seul secteur financier, on déplore une vague de licenciements: 21000 suppressions d’emploi ont été programmées depuis début août. Et, 11 040 licenciements ont déjà été annoncés.

Pourquoi la crise actuelle est plus grave que les précédentes?

Il faut noter que la crise actuelle ne se calme toujours pas comme au cours des précédentes malgré les interventions massives des institutions internationales: injections massives de liquidités et baisse importante des taux d’intérêt. Les vieilles méthodes ne marcheraient-elles plus aussi bien? Le capitalisme a-t-il trop vécu sous perfusion grâce au crédit? Serait-on arrivé au bout de cette politique de “droppage” de l’économie?

Gravité?

Aujourd’hui, il semble que l’on n’ait pas encore touché le fond par rapport à la gravité de la situation actuelle, d’autres conséquences désastreuses sont encore attendues.

Mais aussi, d’une part l’on nous a répété à l’envie que la crise était une crise de l’immobilier puis une crise financière. En réalité, il ne s’agit ni de l’une ni de l’autre. La crise de l’immobilier cache des causes structurelles plus profondes. Et d’autre part, une récession de l’économie américaine est maintenant certaine. Selon les prévisions de l’OCDE, la croissance US passera de 4% (premier trimestre 2007 en rythme annuel) à 2% au troisième trimestre et 1,5% au quatrième. En août les créations nettes d’emploi ont été négatives de -4000 alors que l’on en attendait +110 000 (7) ce qui signifie que l’arrêt est intervenu avant que n’éclate la crise des “subprime”. Doit-on revoir les chiffres à la baisse? Dans ce cas il s’agirait d’une récession plus profonde que prévue.

L’économie américaine a tenu depuis 10 ans grâce à l’immobilier et surtout grâce à l’augmentation (spéculative) de la valeur de ces biens (9% l’an depuis 2000) entraînant également un revenu supplémentaire pour ces derniers (le retour net sur investissement a été de 25% entraînant un gain pour l’ensemble des américains de 9000 milliards de dollars) et donc une augmentation de leur consommation, c’est la raison de la gravité des phénomènes actuels. (8) La reprise ne peut pas être attendue du côté d’un accroissement de la consommation.

Les prix de l’immobilier sont partis à la baisse au rythme de 9% l’an. Les mises en chantier ont reculé de 20% ce qui aura également pour conséquence de contracter la consommation des ménages de 200 milliards de dollars, soit 1,5% du PIB ramenant la croissance sous zéro. (9)

Dans les pays de l’UE, il en est de même, la croissance a été revue à la baisse pour le deuxième trimestre 2007 à +0,3% de moitié inférieure aux prévisions qui étaient de +0,6%. Le soutien de l’économie ne doit donc pas être attendu d’une forte croissance en Europe.

Si l’on souhaite comprendre les ressors de cette nouvelle crise économique du capitalisme, il faut indiquer qu’il ne s’agit pas non plus d’une simple récession. On le voit la crise n’est pas nouvelle, elle ressurgit régulièrement avec de nouvelles manifestations décrites par nos économistes bourgeois comme étant soit un bulle Internet, soit une crise asiatique, etc.... Ils ne perçoivent que les manifestations de la crise mais ils n’en saisissent jamais la réalité et le sens fondamental.

Le seul qui a décrit depuis le XIX° siècle la manifestation des crises de surproduction cycliques du capitalisme est Marx. Il a décrit ce genre de crise un siècle avant que ne se produise celle qui en recèle les manifestations les plus classiques: celle de 1929.

“Actuellement, la cause ultime d’une crise réelle se ramène toujours à l’opposition entre la misère, la limitation du pouvoir de consommer des masses, et la tendance de la production capitaliste à multiplier les forces productives, comme si celles-ci avaient pour seule limite l’étendue absolue de la consommation dont la société est capable” (Le Capital, livre III, tome II, p.26). La crise de l’immobilier est une crise classique du capitalisme: “la limitation du pouvoir de consommer des masses” c'est-à-dire de pouvoir acquérir un logement et la possibilité de l’acquérir alors que ces logements existent dans la réalité, c’est la “tendance de la production capitaliste à multiplier les forces productives”. ( ) C’est la contradiction essentielle du capitalisme, c’est pourquoi les forces productives sont obligées de faire sauter le verrou qui empêche le développement de la société. Le sort du capitalisme est scellé par son incapacité à subvenir aux besoins des masses.

23/09/2007

(1) Le Monde du 15 septembre, J-Marie Harribey, “Banques centrales irresponsables”.

(2) Où est le libéralisme, tant prôné par nos idéologues bourgeois? Pour sauver le capitalisme, les mécanismes étatistes demeurent le dernier recours.

(3) Le Figaro du 10 août.

(4) Le Figaro du 10 août.

(5) Du 18 août.

(6) Le Figaro du 15 septembre, “Crise financière: un parfum de panique”.

(7) Les mois précédents, après correction inattendue, il y a eu un moins de 81 000 postes créés. Le Figaro du 8 août.

(8) Le Monde du 17 septembre, Eric Le Boucher, “Les Etats Unis proches de la récession?”.

(9) Idem, Éric Le Boucher.