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Accueil ›L'ordre capitaliste au Timor oriental
Le Timor oriental, acclamé comme la première démocratie du millénaire et établi avec l’aide de l’État américain avec le secours du satrape régional australien dans le rôle du gendarme local, vient de montrer ses vraies couleurs. Il n’y a pas d’illustration plus claire de la nature réactionnaire de la libération nationale que le Timor orientale.
La moitié d’une île et pourtant entièrement sous la protection de soldats impérialistes, le Timor oriental fut un temps la coqueluche de bon nombre de gauchistes occidentaux. Soutenir cette cause leur permettait de paraître s’opposer à l’impérialisme américain tout en soutenant la cause des opprimés et des exploités. En réalité, ils ne s’opposaient ni aux objectifs de l’impérialisme américain ni ne soutenaient aucune lutte contre l’oppression.
La minuscule bourgeoisie de langue portugaise administrant le Timor oriental règne aujourd’hui sur une population terriblement appauvrie qui ne partage même pas la langue de ses dirigeants. Cette bourgeoisie utilise maintenant la police pour abattre des ados dans les rues tandis que la force de "maintien de la paix" s’assure que la propriété des exploiteurs est sauvegardée de sorte que l’exploitation se fasse sans interruption.
Quels sont les enjeux au Timor oriental et pourquoi les États-Unis ont-ils consenti qu’on découpe ainsi son allié de longue date, l’Indonésie? Le Timor oriental est situé stratégiquement le long d’un important couloir de navigation international et à proximité d’une réserve régionale tout aussi importante de pétrole. La découpe sert les intérêts du capitalisme australien en lui donnant une part du contrôle de cette ressource tout en allouant aux États-Unis une plus grande maîtrise sur sa circulation en Asie. Le 17 décembre, le Parlement du Timor oriental ratifia le Timor Sea Treaty. 90% des revenus devraient revenir aux nouveaux dirigeants du Timor oriental et 10% à leurs partenaires australiens. L’éruption d’émeutes avait causé la suspension du vote sur le traité du 11 au 17 décembre 2002. Présentement, ConocoPhillips contrôle la seule exploitation du gisement de Bayu-Undan dans le Timor Gap. Une usine de 1.7 milliards de dollars US est en construction à Darwin, en Australie. Une fois construite elle raffinera le pétrole et assurera les besoins énergétiques de la Tokyo Electric Power et de la Tokyo Gas pour 17 ans. Shell, Osaka Gas et Woodside Energy ont aussi des intérêts dans l’exploitation de ces champs de pétrole et de gaz. Les travailleurs et les éléments exploités de cette périphérie du capitalisme ont souffert une "guerre de libération" et la violente répression de l’État indonésien appuyé au maximum par le capital US pour ne voir que la création d’un nouveau gouvernement, installé encore une fois avec l’aide du capital US.
Cela illustre la différence évidente entre les mouvements de libération nationale pendant la phase ascendante ou progressiste du capitalisme et leur nature aujourd’hui à l’intérieur d’un système failli et réactionnaire. Lorsque Xanana Gusmao déclare en tant que vétéran de la libération nationale, “nous sommes plus dépendants que jamais, vivant grâce à la puissance et aux compétences des autres”, il démontre la vraie nature des mouvements de libération nationale qui ne vont que d’un maître impérialiste à un autre.
Autrefois, avant la Première Guerre mondiale, les mouvements de libération nationale avaient un caractère relativement progressiste puisqu’ils pouvaient mener à la création d’une plus grande classe prolétarienne. Lorsque le monde fut entièrement divisé en zones d’influence des grandes puissances, la libération nationale devint synonyme d’un changement de patronage impérial. Avant le développement du capitalisme, la nation, telle que nous la concevons aujourd’hui n’existait tout simplement pas. Dans les pays à la périphérie du capitalisme nous constatons que même les frontières sont établies arbitrairement, en fonction de ce que peuvent ou ont pu être les intérêts immédiats des puissances impérialistes du moment. Le Timor n’a jamais été plus qu’un avant-poste du pouvoir portugais à l’extrémité de la péninsule malayenne. Les nations sont l’expression concrète des intérêts des exploiteurs. Dans plusieurs parties du monde où des nations entières se sont déchirées, c’est précisément parce que la bourgeoisie n’a pu s’unir autour d’un consensus sur le partage des pouvoirs. Ainsi, on en arrive à une lutte chaotique et sanglante pour le pouvoir où sont crucifiés les plus pauvres et les plus exploités de la planète.
Tout comme la classe capitaliste faillie et réactionnaire, ceux et celles qui soutiennent l’indépendance du Timor oriental souffrent d’une perspective ayant également fait faillite. L’aile gauche du capitalisme n’en est pas à sa première expérience du genre. Souvenons-nous de son appui à l’ANC contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud alors qu’aujourd’hui l’ANC défend les privilèges de la bourgeoisie sud-africaine qui est, ironiquement, blanche. Hier elle appelait à l’indépendance du Timor oriental, aujourd’hui nous voyons les anciens guérilleros du Fretilin au pouvoir ordonner d’abattre des ados dans les rues de Dili. Les guérilleros d’hier deviennent les dirigeants d’une nation où le petit nombre qui travaille ne gagne qu’un dollar ou moins par jour alors que les troupes de l’ONU, provenant surtout du Portugal ou de l’Australie en gagne jusqu’à 100$US. Le Timor oriental est peut-être la première “démocratie” du millénaire mais c’est un état qui n’existe que par la présence de troupes étrangères. C’est l’un des 20 pays les plus pauvres du monde et la seule perspective d’avenir de son peuple est le sacrifice de construire un nouveau pays pour que leurs nouveaux dirigeants et leurs nouveaux maîtres puissent les exploiter efficacement.
Certains gauchistes vont jusqu’à prétendre que le soutien à la libération nationale est une partie intégrante du programme révolutionnaire. Le résultat est de lier les intérêts des prolétaires souffrant de la libération aux intérêts de la fraction de la nouvelle bourgeoisie qui cherche à les dominer tout en gaspillant les énergies des militants et des militantes de l’extérieur par la canalisation de leurs efforts dans une lutte pour soutenir une fraction de la bourgeoisie dans un coin éloigné de la planète. Les gauchistes plus adroits défendent une forme plus critique de soutien à la libération nationale mais celle-ci lie aussi les prolétaires au service de leurs exploiteurs.
Pour combattre l’impérialisme, il faut commencer dans son propre pays. Cela veut dire qu’aux États-Unis il faut se battre contre les capitalistes, les patrons et l’État. Les travailleurs américains se porteraient mieux en voyant leur pays détruit plutôt que de soutenir l’ogre impérialiste qui se nourrit de leur travail. Pendant que le capitalisme US répand la guerre et la violence partout, les conditions continuent à se détériorer dans leur propre pays, les routes s’émiettent, les ponts se dégradent, les barrages menacent de s’écrouler, les emplois bien rémunérés disparaissent alors qu’il ne reste que des emplois de merde. Tandis que les militaires américains fabriquent génétiquement des herbicides fongiques pour mener la guerre biologique en Amérique du Sud, les banques alimentaires d’urgence sont devenues le dernier recours des travailleurs en difficulté maintenant que les programmes sociaux ont été éventrés. La véritable tâche des exploités, des prolétaires de la périphérie du capitalisme est de s’engager dans la lutte contre les capitalistes, pas de s’unir avec eux dans la cause de l’édification nationale. Si les prolétaires conservent encore les moyens de se libérer et refaire le monde, ils et elles doivent commencer à agir dès maintenant.
ASNotes Internationalistes #02
Series II - Ni avec Saddam, ni avec Bush, ni avec l'Europe
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