De quelques considérations autour de l’intervention en Afghanistan

Mi- janvier 1991, l’opération “Tempête du Désert” déclenche un déluge de feu sur l’Irak. Une coalition, dirigée par les Etats-Unis, englobant de nombreux pays, dont les principaux à l’échelle mondiale, va s’efforcer de remettre au pas l’Irak dont le président Saddam Hussein avait pour ambition, en annexant le Koweït, d’une part de s’approprier le contrôle des principales réserves mondiales de pétrole, d’autre part de positionner son pays comme puissance dominante de cette partie du monde. Les Etats-Unis, dont l’ampleur de l’engagement militaire est inégalée depuis la guerre du Vietnam vont profiter de la situation pour affirmer leur rôle de leader au plan mondial tout en s’implantant dans une région du globe dont l’aspect stratégique est indéniable puisqu’elle est la première réserve de pétrole de la planète.

Le Président Bush, père de l’actuel Président des USA, déclare le 17 janvier:

Nous avons devant nous la chance de forger, pour nous-mêmes et les générations à venir, un nouvel ordre mondial.

Le 28 février marque la fin de cette guerre qui aura fait plus de cent cinquante mille victimes du coté irakien.. L’ordre capitaliste, USA en tête, venait de réaffirmer sa domination auprès de l’Irak et, du même coup, donnait un avertissement aux travailleurs qui dans le monde, encouragés par la chute de l’URSS, auraient pu manifester des velléités de révolte. La guerre du Golfe inaugurait le “Nouvel Ordre Mondial”.

Dix ans plus tard, une nouvelle coalition, avec toujours à sa tête les USA, intervient en Afghanistan, toujours avec l’accord de l’ONU.

Entre la situation actuelle et celle qui prévalait il y a dix ans, lors de la guerre du Golfe, une profonde mutation a eu lieu. Les Etats-Unis ont, non seulement maintenu leur rôle de puissance dominante, sans concurrent possible, mais l’ont conforté. L’approfondissement de la fracture Nord/Sud et celui qui existe, en général, entre pays riches et pauvres, est allé en s’accentuant si bien que cette période a vu l’apparition de réseaux défendant des intérêts qui ne recouvrent plus forcément ceux de nations, de mouvements politiques comme cela pouvait être le cas auparavant. Nous nous trouvons en présence de conflits d’intérêts entre-croisés. Le phénomène a été favorisé par la déliquescence dans un certain nombre de pays de la notion même d’Etat, d’appareil d’Etat. Des zones entières d’Afrique ou d’Asie se retrouvent plongées dans un chaos indescriptible où l’on se trouve en présence de pays sans Etat, livrés au pouvoir de bandes armées, de clans, dont le ciment est l’ethnie, la religion, de mafias tirant leur puissance de trafics divers dont la drogue est souvent le plus profitable.

Cette situation a été habilement exploitée par les Etats-Unis. Les attentats du 11 septembre leur ont permis, sous couvert de l’existence, ou de la supposée existence, d’un ennemi terroriste multiforme de lancer une offensive dont la première cible a été l’Afghanistan (mais d’autres pourront suivre ont-ils affirmé: Somalie, Philippines, Irak, Soudan...), offensive qui (là aussi cela a été dit) pourra se poursuivre des mois, voir des années.

L’impérialisme US a trouvé là un excellent prétexte pour consolider sa position dominatrice au plan mondial.

En ce qui concerne l’intervention militaire, elle-même, on a pu constater que si, lors de la guerre du Golfe, l’alliance regroupée par les USA, incorporait les forces militaires de divers Etats européens et arabes, ce n’est plus le cas pour l’intervention en Afghanistan où les USA ont clairement fait savoir qu’ils avaient l’intention de mener eux-mêmes les actions militaires.

Cette réaffirmation de la puissance “états-unienne” et son renforcement sur l’échiquier capitaliste, à travers la guerre en Afghanistan, en recoupe un autre. Cette intervention permet à Bush de faire d’une pierre deux ou trois coups: Ce pays n’est pas seulement le repaire d’Al-Qaida, la “chance” a voulu qu’il soit aussi d’un intérêt stratégique immense; toute la région autour de la mer caspienne est potentiellement une des plus riches du monde en ressources diverses, dont pétrolières. Le Kazakhstan, pays grand comme cinq fois la France, regorge de ressources: charbon, or, cobalt, aluminium, uranium (dont il détient le tiers des réserves mondiales). Le potentiel pétrolier est immense. Le Turkménistan, le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan réunis possèdent 20% des réserves pétrolières du Koweït. Ces réserves permettraient, si elles étaient exploitées par les Etats-Unis de rendre ceux-ci bien moins dépendantes des pays de l’OPEP. Mais si les compagnies pétrolières d’outre-atlantique sont en mesure d’exploiter ces gisements, elles doivent se donner les moyens d’acheminer ces produits vers les marchés mondiaux à travers l’océan indien. Pays incontournable pour cet acheminement: L’Afghanistan. On comprend l’intérêt qu’ont les USA de voir ce pays doté d’un Etat stable et compréhensif à leur égard. Ajoutons à cela que l’implantation de l’armée américaine dans cette région est d’une importance vitale quant aux cibles potentielles que peuvent représenter, par exemple, la Russie et la Chine.

La notion “d’ennemi terroriste multiforme” a donc bien des avantages pour les Etats capitalistes, Etats-Unis en tête, comme nous venons de le voir, mais l’utilisation de cette notion recouvre un autre danger pour la classe ouvrière.

L’ordre capitaliste se donne désormais le droit d’étiqueter comme bon lui semble tel ou tel mouvement de “terroriste”; à partir de là il n’hésite pas et n’hésitera pas à qualifier comme tel tout mouvement qui s’oppose à la domination de son système social et politique. Faut-il alors s’étonner des “analyses” des médias concernant la Tchéchénie, la Palestine, les Philippines, voir les révoltes dans les banlieues en France? Tout régime musulman, tout individu musulman étant potentiellement terroriste, il existe un dénominateur commun à tous ces faits: l’islam.

Elargissant le champ de son “analyse” et des mesures qu’elle affirme devoir prendre face au “terrorisme”, la bourgeoisie “en état de guerre” renforce son appareil de répression. Aux USA le gouvernement a interné des centaines de personnes contre lesquelles aucune accusation précise n’était portée. Le Congrès a ensuite voté une législation d’exception qui donne une nouvelle définition du “terrorisme intérieur”, définition si vaste que toute personne en désaccord avec la politique gouvernementale peut entrer dans son cadre. Le 13 novembre, Bush a pris un décret présidentiel lui donnant le pouvoir de déférer devant les tribunaux militaires les étrangers résidant aux USA.

En France, le plan Vigie-pirate a été renforcé et les pouvoirs de la police étendus (entre autre il lui est accordé beaucoup plus de possibilité d’intervention dans le cadre des perquisitions). Sous couvert de lutte anti-terroriste, c’est le mouvement ouvrier qui peut à tout moment se voir frapper par les mesures répressives de la bourgeoisie.

Les attentats du 11 septembre ont fourni à la bourgeoisie en général et à celle des USA, en particulier, le prétexte a un renforcement de sa position dans la guerre qu’elle livre à la classe ouvrière mondiale. La tâche des révolutionnaires reste la même: la construction du parti communiste international que demeure l’arme déterminante du prolétariat dans son combat contre l’exploitation.