Péril industriel - Des coquerelles et des capitalistes

Dans Notes Internationalistes #7 (première série canadienne), nous avons publié un article intitulé Alerte au Béryllium! sur la menace très réelle de la bérylliose à la fonderie Horne de Rouyn - Noranda. L’usine Horne recycle 100 000 tonnes de métaux chargés de béryllium à chaque année. Le béryllium est un carcinogène humain selon l’International Agency for Research on Cancer et des études ont démontré que 40 % de la population a un "marqueur" génétique qui a été associé à la maladie. À notre connaissance, pendant la période précédent le déclenchement de la grève en cours, le 18 juin 2002, plus d’une vingtaine de travailleurs ont été retirés de leurs postes par la CSST parce qu’ils étaient atteints de bérylliose chronique. Maintenant, la même CSST vient d’ordonner le retour au travail de ces travailleurs dès la fin du conflit. Le gouvernement social-démocrate de Québec et les patrons ne sont manifestement pas touchés par le fait qu’ils peuvent très bien être en train de condamner ces travailleurs et plusieurs autres à venir, à la mort pour cause d’avarice et d’indifférence crasse.

Cela m’amène à réfléchir à un article publié l’an dernier par le Los Angeles Times. Cet article rapportait que:

Pendant la production du film Mimic en 1997, des représentants de l’American Humane Association parcouraient le plateau, s’assurant qu’un essaim de coquerelles était bien traité. Des dresseurs d’animaux brevetés devaient respecter les lois anti-cruauté de l’État assurant le bien-être des insectes, entraînés à tourbillonner autour des pieds de la comédienne Mira Sorvino. Les coquerelles devaient être nourries à intervalles régulières.Elles ne devaient travailler que quelques heures par jour. On ne pouvait leur faire aucun mal.

Il va de soi que ces coquerelles furent mieux traitées que ne le sont habituellement la majorité de leurs congénères. Néanmoins, on ne peut qu’être frappé par les splendides subtilités du système capitaliste où des "coquerelles prolétariennes" sont clairement mieux protégées par une législation bannissant la cruauté à l’endroit des animaux que ne le sont des êtres humains par une institution de santé et de sécurité d’un État démocratique. Bien sûr, on peut toujours y voir l’étroite relation de proximité de la vermine et des capitalistes. Ne sont-ils pas tous les deux des parasites? Même si je suis évidemment pour la sauvegarde des baleines, il y a des moments où je crois que Bertolt Brecht n’avait pas totalement tort lorsqu’il écrivait:

Méfiez-vous de ceux qui aiment les animaux, ils se préparent à vous faire mener une vie de chien.

Mais Marx atteignait nettement mieux la cible lorsque, dans une lettre à Kugelman, il parle

des loups, des porcs et des sales chiens de la vieille société.

V.