Les vraies couleurs

La vedette pop Bono, chanteur du méga-groupe rock irlandais U-2 et conscience auto-proclamée du monde, nous a récemment démontré la qualité et la nature de son étoffe. La star du rock et "l’activiste social", émissaire de la campagne de Jean-Paul II "contre la pauvreté et le soulagement de la dette" a eu toute une fin de semaine d’activité et de publicité personnelle pour sa contribution au Forum économique mondial (FEM) de New York et sa participation à la fiesta du Super Bowl de la National Football League à la Nouvelle-Orléans.

"La pop star Bono emballe les gros bonnets au Forum économique de l’élite", a rapporté le Village Voice. Tandis que des milliers de personnes courageuses ont marché dans les rues pour dénoncer l’événement et ce, malgré un formidable barrage de propagande chauvine et l’intimidation brutale et ouverte de la police de New York, Bono, béat, se faisait du bon temps avec les directions des 1000 plus grandes corporations de la planète. Partageant la scène avec le capitaliste le plus riche du globe, Bill Gates et le secrétaire du Trésor US Paul O’Neil dans un chic hôtel du centre-ville, le catholique "progressiste" Bono n’avait que des mots doux pour la "pauvre" bourgeoisie. Après avoir tenu salon avec les têtes d’énormes compagnies pharmaceutiques telles Merck & Co. et Bristol-Myers Squibb Co. , il a déclaré:

Je ne pense pas qu’ils sont la bête noire comme mes ami-e-s le pensent. Je crois qu’ils doivent faire des profits, il faut faire de la recherche.

Comme si la recherche avait quelques chose à faire avec les profits! Évidemment, Bono n’était pas le seul à se mettre dans les petits papiers de ce club élite. Il y avait son ami Desmund Tutu et de nombreux autres acolytes de la classe dominante: analystes, patrons d’ONG et bureaucrates syndicaux. Mais Bono "donna une impression de légitimité populaire et d’urgence au rassemblement des riches et des puissants de la terre de cette semaine que les premiers ministres et les grosses légumes ne pouvaient espérer", ajouta le Voice. "Je crois vraiment que si nous rassemblons nos forces et que nous ne créons pas de dynamique facile bon gars-mauvais gars... nous pouvons faire du progrès", a conclut le chanteur en conférence de presse. Bien sûr l’appel à l’harmonie des classes, des riches et des pauvres a été le message de l’Église Catholique tout au travers de son histoire de chasse aux sorcières, de colonialisme, d’obscurantisme, de cupidité et de servilité à la classe dominante. Les mensonges de Bono sont aussi vieux que le christianisme.

Mais Bono a surpris même les convives du FEM lorsqu’il annonça qu’il visiterait l’Afrique au mois de mars, en compagnie de son ami le secrétaire du Trésor Paul O’Neil. La visite ayant lieu pendant la guerre en cours en Afghanistan, le traitement odieux des prisonniers de guerre sur la base de Guantanamo et dans le sillage du discours sur "l’Axe du mal" de Bush, cet appui et cette participation à la prochaine opération de l’impérialisme américain en Afrique a dû étonner même ses fans "progressistes" les plus loyaux. Pas étonnant que plusieurs des riches convives du FEM se précipitèrent sur la scène pour lui quémander un autographe.

Mais, cet "ami des pauvres" n’avait pas encore terminé son travail pour la cause de la "justice sociale" et la paix universelle. Le lendemain, il était la vedette du spectacle de la mi-temps au Super Bowl. Cet évènement "sportif" prit la forme d’une opération de lavage de cerveau de 12 heures de propagande capitaliste et de militarisme ultra-patriotique probablement jamais égalée depuis les Jeux Olympiques de Berlin de 1936... Imaginez Leni Riefenstahl avec la technologie et les capacités de diffusion planétaire modernes.

Après des heures de préparation chauvine de la foule, le chanteur (malheureusement talentueux) et son groupe prirent la scène et livrèrent brillamment la marchandise tandis que, derrière eux, une immense bannière fut hisser solennellement. Sur la toile immense il y avait le nom de chaque malheureuse personne décédée le 911. On pouvait littéralement sentir l’émotion de la foule traverser l’écran et son choc lorsque, comme le chanteur approchait sa finale, la gigantesque bannière s’écroula dramatiquement au sol, entraînant dans le néant le nom des milliers de victimes de New York dans une mise en scène dont le but était d’incruster dans la mémoire de tous et de toutes la chute mortelle des tours jumelles. Quelques secondes plus tard, sous les feux étincelants de la rampe et le regard du monde, Bono ouvrit théatralement sa veste, révélant ses vraies couleurs: la doublure représentait la Bannière étoilée, le drapeau américain! Ce réformiste, serviteur de Dieu était lui-même devenu un des nouveaux "Dieux du stade", titre du film de 1936 de Leni Riesenstahl. Les nuages sombres s’accumulent sans cesse à l’horizon. Les temps sont durs. Les prolos ont besoin du maximum de conscience des camps en présence.

Comme il y a 2000 ans, les propagandistes chrétiens veulent réformer l’esclavage. Les communistes révolutionnaires veulent l’abolir. Bono a clairement choisi son camp. Avez-vous choisit le vôtre?