Crise du logement aux États-Unis

L’article suivant fut écrit par un camarade de l’IWG-TCI pour le journal Intransigence. Alors que son objectif est d’analyser la crise du logement aux États-Unis, il est clair que le phénomène ratisse plus large et devient une source de misère généralisée pour de nombreuses couches de la classe ouvrière. _Les résidents de Toronto et de Vancouver occupant plusieurs emplois uniquement pour payer leur loyer, nous sommes certains que Montréal sera de plus en plus soumise à des conditions similaires sans résistance globale de la part de la classe._

De Juin 1872 à Fevrier 1873, Engels écrit une série d’articles sous le titre La question du logement. Il affirme:

Ce n'est pas la solution de la question du logement qui résout du même coup la question sociale, mais bien la solution de la question sociale, c'est-à-dire l'abolition du mode de production capitaliste, qui rendra possible celle de la question du logement.

Depuis qu’Engels écrit ces lignes, le capitalisme a démontré encore et encore son incapacité de fournir du logement pour les grandes masses du prolétariat. En effet, les plus grandes périodes de construction de logements pour la classe ouvrière ne se sont produites que dans des conditions d'intervention directe ou indirecte de l'État dans un environnement d'expansion durant la phase ascendante de l'accumulation capitaliste. Seule une société communiste pourra subvenir au besoin essentiel qu’est le logement.

L’armée de réserve industrielle du capital, exclue du processus de travail, est également exclue du logement. Au-delà de ça, le coût du logement dépasse régulièrement ce que peuvent payer les travailleur.euses. La récession globale de 2007 commença en Californie où le surendettement des créances hypothécaires déstabilisa l’ensemble du système bancaire mondial. Le capital financier dépend de vastes quantités de richesses attachées à long terme dans l'immobilier. Aux États-Unis, cette crise entraîna une augmentation du nombre de villes-tentes et de camps de maisons mobiles qui, malgré la célébration capitaliste de la croissance économique, n'ont pas disparu. Pour les travailleur.euses, une situation immobilière déjà mauvaise devint une catastrophe alors que le loyer continua de grimper pour une offre de logements qui ne grandit ni ne se renouvelle. Entre 2005 et 2017, l'âge moyen du logement passa de 31 à 37 ans, ce qui reflète le manque de construction de logements pendant la Grande Récession. En effet, dans la plupart des zones urbaines, l'offre de logements sur lesquels dépendent les travailleur.euses est nettement supérieure à 37 ans. Étouffer l’offre du logement disponible est une bonne chose pour l’accumulation continue de capital. Une énorme population de sans-abri migrants a vu le jour à la suite de chefs politiques locaux poussant leur population sans-abri vers d'autres communautés qui tentent également de criminaliser les sans-abri.

L’envoyé spécial de l’ONU, Philip Alston, dans son rapport au Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies, a accordé une attention particulière à la crise du logement en Californie, notant que les sans-abri ont été effectivement criminalisés en raison du système de lois anti-vagabondage. La montée en flèche des prix de l'immobilier et du capital financier recrée les conditions qui ont conduit à la crise des prêts hypothécaires à risque. L'effet le plus visible de cette tendance est le nombre croissant de sans-abri et la croissance des villes-tentes près de dix ans après le déclenchement de la dernière crise. Une étude longitudinale sur les sans-abri réalisée à Birmingham, Alabama en 2010, a révélé que la plupart des hommes sans abri gagnaient en moyenne 90 dollars par semaine pour environ trente heures de travail. La plupart des données disponibles sur l’itinérance aux États-Unis sont désuètes et remontent à la «grande récession» de 2010 ou avant et ne reflètent pas une situation qui ne cesse de s'aggraver depuis des décennies.

L’épuration sociale capitaliste dans les villes a de plus en plus chassé les populations de la classe ouvrière. L’un des camps de tentes les plus emblématiques des États-Unis est le Skid Row de Los Angeles. Il existe des centaines de lieux de ce type aux États-Unis et dans le monde. Les villes effectueront des balayages dans le centre-ville peu de temps avant les grands événements afin que personne d’importance sociale ne puisse voir le problème sous son nez. L'agression légale contre les sans-abri a augmenté le nombre de sans-abri migrants, les autorités locales embourgeoisant leurs villes. La Californie est l'exemple le plus extrême aux États-Unis de la concentration de la richesse du centre capitaliste entouré de villes-tentes. Bien que les habitants de tels camps ne soient pas «sans compétences», la classe capitaliste a toutes les raisons de réduire le coût de ces compétences.

De nombreux projets ont été proposés pour résoudre le problème au sein du système. L’une est la construction de micro-maisons dans différentes villes des États-Unis. Au Japon, des modules de couchage verrouillables ont été implémentés afin de résoudre le problème de l'itinérance. Aux États-Unis, la taille et le nombre de refuges pour sans-abri ont régulièrement augmenté depuis les années 1980. Celles-ci n'ont servi que de dépôts pour les sans-abri.

Les approches réformistes radicales telles que le logement coopératif, le contrôle des loyers et le squatting sont très attrayantes et de telles luttes quotidiennes sont souvent nécessaires, mais elles restent réformistes et ne peuvent résoudre le problème. En définitive, toute approche réformiste ne peut que tenter de rendre les conditions de vie sous le capitalisme légèrement plus supportables pour quelques-uns. Comme toutes les autres nécessités de la vie telles que la nourriture, les boissons, les médicaments ou les vêtements, le logement reste un produit à acheter et à vendre. Les réformes ne peuvent montrer que les limites de ce qui peut être réalisé dans le capitalisme, mais il appartient aux révolutionnaires de s'organiser pour renverser le système capitaliste avec toute la misère qu'il génère.

Asm

Internationalist Workers Group (USA)

Traduit par Klasbatalo (Canada) pour leur nouveau journal Mutinerie

Thursday, May 2, 2019