Wisconsin - Guerre déclarée contre les travailleurs du secteur public

Les médias américains du 25 février, annoncent que la ville de Providence, au Rhode Island vient de faire parvenir une lettre de licenciement à l’ensemble de ses 2000 enseignants et enseignantes. Les dirigeants de la ville affirment que ce geste leur donnera «le maximum de flexibilité» nécessaire pour procéder à des compressions budgétaires dramatiques. Au Wisconsin, l’État s’est attaqué à ses traditionnels alliés syndicaux, tant toutes les institutions bourgeoises sont bousculés par la réalité de la crise du capitalisme (note du traducteur).

Le Gouverneur de l’État du Wisconsin, Scott Walker, vient de s’attaquer à l’ensemble des travailleurs et des travailleuses du secteur public de son État. Son geste est la première étape d’une offensive nationale visant à éliminer les syndicats du secteur public à l’échelle nationale. Les États sont acculés à la faillite et n’arrivent plus à tenir leurs engagements parce qu’ils refusent d’accroître leurs revenus avec la seule source potentielle qui leur reste, les impôts sur le revenu. La réponse à ce dilemme est largement présentée comme étant la nécessité de sabrer dans les salaires des employés de l’État, des comtés et des municipalités, ainsi que dans l’assurance-maladie et les pensions de retraite.

Ultimement, le droit de négociation collective sera légalement restreint à la question des salaires seulement, sans aucune augmentation supérieure au taux d’inflation, selon l’Indice des prix à la consommation (une fraude délibérée qui ne reflète pas l’inflation réelle). On exige des travailleurs qu’ils contribuent entre 17 et 18% de leur salaire pour l’assurance-maladie et les pensions, ce qui constitue une perte de revenus massive. Les salaires seront gelés pour les trois prochaines années. Les employés des universités perdront leur droit d’association. Quelques 170 000 travailleurs de l’État, des comtés et des municipalités seront affectés par cette décision. Leur syndicat, l’American Federation of State, County, and Municipal Employees est née parmi les travailleurs du secteur public du Wisconsin. Le fait de l’écraser dans son berceau serait vu comme un accomplissement important des patrons de l’État et pourrait mener à la mort éventuelle des syndicats du secteur public à l’échelle nationale. Les enseignants et les enseignantes seront aussi durement affectés. Des syndicalisations nouvelles dans le secteur public seront interdites par la loi. Les syndicats perdraient aussi la perception automatique des cotisations à la source. On estime qu’au moins le quart, mais plus probablement le tiers des cotisants actuels seraient perdus. Cette situation affecte aussi les travailleurs de l’État en Ohio, en Floride, à travers le pays et possiblement ailleurs dans le monde.

La menace de faire appel à l’armée ne tient probablement pas du bluff. Les syndicats avaient déjà négocié une entente avec l’administration précédente comprenant 100 millions de dollars de pertes de bénéfices et une réduction nette de 3% des salaires. Le nouveau Gouverneur espérait encore plus de concessions et aurait pu en obtenir davantage en négociant avec les syndicats suite à leur première offre. Il a menacé de mobiliser la Garde nationale pour prendre en main l’ensemble des services gouvernementaux en cas de grève, ce qui ne risque pas d’arriver parce que les travailleurs de l’État n’ont techniquement jamais eu le droit de grève et ne pourront pas exercer ce droit, même s’ils le voulaient. Si les gardiens de prison vont en grève, le Gouverneur se servira de l’armée pour les remplacer.

En 1971, l’État reconnu les conventions collectives syndicales, avec une clause excluant le droit de grève. Cette reconnaissance s’est concrétisée par une législation qui a été à la base de la paix sociale dans ce secteur depuis quarante ans. Cette entente n’existe plus. Le plus que les syndicats entendent faire est d’organiser une campagne de deux jours de manifestations, suivie d’un lobby auprès des législateurs. Il y a aussi eu un mouvement symbolique et perdu d’avance pour révoquer l’élection du Gouverneur. Les syndicats prévoient des manifestations dans les jours à venir, mais leur rapport de force est faible.

En effet, depuis années, l’État du Wisconsin a transmis une bonne partie de son travail à des agences privées qui exploitent durement une main d’œuvre immigrante. Des milliers de postes sont vacants depuis longtemps. Presque à chaque fois qu’un employé avec de l’ancienneté prend sa retraite, son emploi est éliminé de façon permanente. Le travail de bureau a été réorganisé dans un système centralisé, où les différentes branches de services de l’État (Éducation, Santé, etc.) ont été rassemblées dans une entité unique.

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L’actuel gel de l’embauche est en pratique depuis plusieurs années déjà et fait suite à un premier gel de l’embauche durant les années 90. L’utilisation de travailleurs temporaires et «d’employés à contrats de durées limitées» a augmenté, tout comme les privatisations et les licenciements. Le Gouverneur précédent a introduit des mises à pied provisoires qui équivalaient à des congés sans solde de trois semaines (un licenciement rotatif) pour tous les employés de l’État. Cela n’a pas empêché les législateurs de se voter une augmentation de salaires de 4%.

Les travailleurs et les travailleuses ici à Madison demandent à leurs syndicats : «quand donc allons-nous déclarer la grève?» et un grand nombre y sont préparés, mais la plupart d’entre eux ne réalisent pas encore qu’il n’y a pas de «droit de grève» ici pour les employés d’État. Le droit de former un syndicat fut accorder parce la loi excluait l’exercice de la grève tout en accordant le droit de négocier et une procédure de griefs et d’arbitrage.

Seuls les policiers et les pompiers furent épargnés par les nouvelles mesures, notamment à cause du soutien qu’ils ont accordé à la campagne électorale du Gouverneur. Ils furent récompensés en conséquence. Cette campagne électorale fut typique des élections capitalistes. Elle fut achetée et payée par des milliardaires, tels les frères Koch, qui n’ont probablement jamais même mis les pieds au Wisconsin. La bourgeoisie a donc élu un «homme d’affaires» idiot, qui doit sa position dans la compagnie à son épouse, héritière de son papa. La police et les pompiers subiront probablement aussi des attaques au salaire plus tard, mais pour l’instant leur contribution à la démolition des autres groupes est trop précieuse. Sans augmentation des revenus, le serrage de ceinture ne suscitera que davantage de serrage de ceinture. Voilà le plan de l’État en vue de réduire les coûts associés au capital variable (1) dans le secteur public.

Les étudiants et les étudiantes du Wisconsin sont confrontés à un «Badger Partnership Plan» (2) mis en avant par l’administration des universités de l’État et qui vise à augmenter les frais de scolarité, en éliminant le plafond légal des augmentations. Ce plan vise aussi à écarter le pourcentage de places réservées à l’université aux étudiants provenant du Wisconsin. De plus, il cherche à accentuer la relation étroite entre les contributions d’entreprises et les secteurs de recherche universitaires.

Le syndicat des enseignants et des enseignantes de l’État, le Wisconsin Education Association Council, a récemment donné son accord à un plan qui morcellera la Commission des écoles publiques de Milwaukee, détruira les clauses d’ancienneté salariale et introduira «le salaire au mérite» déterminé par des administrateurs qui n’y connaissent strictement rien. Ou on dépense de 15 à 20 000 dollars par élève, par année, ou on obtient ce pour quoi on a payé, c'est-à-dire une mauvaise éducation. À Milwaukee, on dépense plus ou moins 12 000 dollars par élève. Les soi-disant «dirigeants» afro-américains de la Urban League (3), promeuvent des écoles non mixtes (séparées) selon le sexe et la race, soutenant de fait une nouvelle «doctrine séparée mais égale» visant le retour de la ségrégation des écoles publiques sous la guise d’une «réforme». Milwaukee a été un laboratoire d’expérimentation réactionnaire en éducation, avec par exemple un système de «bons» (vouchers) permettant aux parents de sortir leurs enfants des écoles publics et recevoir une subvention de la municipalité pour les inscrire dans des écoles privées. Cette politique prive encore davantage les écoles publiques des fonds nécessaires à leur fonctionnement, tout en écrémant les étudiants performants des écoles publiques, ce qui affecte d’une façon supplémentaire le financement de ces écoles, car ce financement est basé sur des tests de performance par établissement. L’American Federation of Teachers (le syndicat national de l’enseignement) soutient ses programmes qui s’attaquent aux enseignants. Il est donc exclu que les employés de ce secteur puissent compter sur leur syndicat pour mener une lutte sérieuse contre ces attaques.

Les taxes au Wisconsin sont perçues sur les cigarettes, sur l’alcool, sur les ventes, sur la propriété et plusieurs autres mesures de collection anti-ouvrières sur les revenus. Une autre taxe cachée, est la Loterie d’État (qui joue sur le rêve de ceux et celles qui veulent «gagner» pour s’en sortir). Le gouvernement fédéral a depuis longtemps privé les États du financement des devoirs et la livraison des programmes qu’il leur impose. Cela à son tour a accéléré la faillite des États. Les capitalistes d’État ici, se servent de ces faillites pour se débarrasser des programmes de retraites dispendieux, tout comme on l’a fait aux travailleurs de l’automobile dans le secteur privé. La cote des bons d’épargnes des États est déterminée par la volonté des régimes étatiques de s’attaquer à leurs employés. La position de la présidence à Washington sous Clinton, Bush et aujourd’hui sous Obama a créé cette situation en refusant toute aide aux États, tout en donnant tout ce qu’il lui reste à l’Armée et à l’appareil de sécurité.

AS

(1) Capital variable : l’argent utilisé pour compenser les travailleurs (note du traducteur).

(2) Badger, terme anglais pour le blaireau, le symbole de l’État. On nomme le Wisconsin le «Badger State» à cause des premiers mineurs de plomb qui se sont établis au Wisconsin durant les années 1820-1830. On les a appelé «badgers», blaireaux, parce sans abri pendant l’hiver, ils vivaient comme cet animal, logeant dans les galeries qu’ils avaient creusées (note du traducteur).

(3) Une organisation nationaliste noire (note du traducteur).