Un parrain capturé ... un autre naîtra !

Prendre un boss en fera naître un autre. C'est la première considération qui vient à l'esprit pendant quelques jours après la capture de Matteo Messina Denaro. Il faut parfois qu'un requin se retrouve dans les filets de l'État, et pas seulement des seconds couteaux, si l'État veut rassurer et montrer à la masse indistincte des citoyens, quelles que soient ses appartenances de classe, qu'il est capable de vaincre la mafia. Mais en réalité, tout compte fait, la capture d'un parrain âgé atteint d'un cancer après 30 ans de cavale n'est pas une grande victoire. Et surtout, un parrain pour l'institution mafieuse, c'est un peu comme un chef de gouvernement pour l'État, ou comme un chauffeur pour un bus : facilement interchangeable et remplaçable, et le gouvernement reste toujours celui des parrains comme le bus toujours reste un bus.

On pourrait parler pendant des heures de l'odieux des crimes de Denaro, quelqu'un pourrait rouvrir un débat qui devrait être clos entre camarades comme celui sur le 49.3.(1) Toute autre discussion qui n'aborde pas la nature bourgeoise du phénomène mafieux ne nous mènera pas loin. De plus, ce n'est pas le devoir des révolutionnaires de demander à une partie de la bourgeoisie de porter un coup à une autre partie de la même classe.

En fait, la mafia, comme le fascisme, n'est qu'une forme d'expression, peut-être plus criminelle en apparence, de la classe dirigeante. C'est-à-dire une de ses manières de se manifester, une des pires caractéristiques que puisse revêtir la bourgeoisie. La mafia est donc au capitalisme ce que la superstructure est à la structure selon Marx, ce que les branches sont au tronc de l'arbre. Ayant pour but l'accumulation de profits, cela s'inscrit pleinement dans la dynamique capitaliste, malgré le fait que le salaire du petit mafieux, n'est pas comparable à celui du patron de Cosa Nostra . Mais surtout, c'est la bourgeoisie criminelle et la bourgeoisie « aux mains propres » qui, poussées par ses crises, déclarent des guerres, dévastent l'environnement et créent la misère et l'exploitation partout dans le monde : ce sont les deux faces d'une même médaille. Celle d'un monstre à deux têtes qui tantôt essaie tantôt de se réconcilier et de s'arranger, tantôt de se battre. En fait, on pourrait s'attarder sur la connivence du monde politique et financier, sur le soutien des secteurs de l'État, de la franc-maçonnerie et sur la capacité de chantage de la mafia elle-même. Non seulement envers l'État, mais aussi envers le prolétariat le plus défavorisé contraint de vivre des petits boulots des mafias...

La mafia, on vient de le dire, a toujours eu besoin d'un référent politique, d'hommes qui pourraient l'aider « à Rome ». Les chefs de la Cosa Nostra (ou de la 'Ndrangheta et de la Camorra) ont changé, les Denaro ont pris la place des Riina et des Provenzano qui à leur tour avaient pris la place des Bontade et des Inzerillo. Les chefs de l'État changent, les Andreotti et les Craxis changent et deviennent Berlusconi pendant 20 ans ; ils en savaient long sur les amitiés "équivoques". Et voilà que Meloni est arrivée avec ses acolytes, dont pas mal font l'objet d'une enquête pour 'Ndrangheta. Une précision : si la mafia sent le business de gauche (bourgeois, bien sûr), elle ne formalise pas grand-chose au niveau de l'idéologie. À travers tout cela, le monde capitaliste est toujours debout, avec ses murs propres de façade.

Seul le bulldozer du parti révolutionnaire, alimenté par la classe prolétarienne, pourra démolir cette architecture délabrée, déjà en miettes mais qui ne veut pas s'effondrer toute seule. Pour que cela se produise, on ne peut pas attendre des miracles, tous les exploités, en Italie et dans le monde, doivent penser à mettre en marche le processus de démolition, de sorte que même la mafia (un véritable cancer social basé sur le profit, l'arrogance et l'oppression) est jetée dans les poubelles de l'histoire, immédiatement après avoir tout rejeté.

IB
Battaglia Comunista

Notes:

(1) NdT le 49. « est un article de la constitution française qui permet de faire accepter un texte de loi sans vote. »

Friday, February 3, 2023