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Accueil ›NWBCW et le « Bureau international véritable » de 1915
La commission socialiste internationale est créée en 1916 après Zimmerwald après l'existence d'un « Bureau international véritable »(1) créé en 1915 entre le Parti socialiste italien et le parti socialiste suisse à la demande de Morgari.
La guerre qui fait à nouveau rage en Europe entre les grandes puissances impérialistes : la Russie d'un côté et l'OTAN, les USA et l'Ukraine de l'autre, nous amène à rappeler l'action des Internationalistes au cours de la première guerre mondiale.
Il nous semble important de noter quelques points sur l'action des révolutionnaires.
- Nous sommes confrontés à des impatients qui nous accusent de ne pas faire grand chose et de ne pas répondre à la gravité de l'heure avec le sérieux requis. Nous pouvons entendre ces récriminations, mais l'état actuel du milieu prolétarien est encore plus minuscule et éclaté qu'il ne l'était en août 1914. Or, à cette époque il a fallu un an de voyages, de discussions et de tergiversations pour qu'une une conférence internationale soit enfin convoquée à Zimmerwald suivie d'une autre pour qu'une « gauche » radicale émerge à Kienthal et pose les véritables enjeux politiques. Que pouvons nous leur dire maintenant sinon de travailler ensemble ?
- Nous sommes confrontés à des grincheux qui font la fine bouche et qui trient sans principes politiques clairs les quelques véritables internationalistes qui existent de part le monde. Il n'est pas l'heure de faire ce tri parmi ceux qui s'opposent à la guerre sur un programme révolutionnaire. Dans un premier temps, comme cela c'est fait avant Zimmerwald, toutes les énergies révolutionnaires et internationalistes méritent d'être regroupées. Mais encore l'exemple de la France fut tout à fait significatif avec le Comité pour la Reprise des Relations internationales (CRRI) qui déploya la plus grande activité et qui fut le cœur de l’opposition ouvrière à la guerre. Il regroupait dès le début les syndicalistes révolutionnaires, au-delà de militants du Parti socialiste section de l'Internationale qui a failli. En effet, la raison d'être du CRRI était son opposition à la guerre et à l’Union sacrée, pour rassembler les différents opposants, issus autant du syndicalisme, du socialisme que de l’anarchisme.
Voilà la raison d'être des comités NWBCW. Nous verrons en marchant quels seront les plus déterminés dans la future période et ceux qui apporteront les réponses adéquates. Puissions-nous tirer quelques leçons utiles du mouvement de Zimmerwald ? - Les leçons de l'histoire sont une chose,la réalité est toujours différente. Nous avons souvent constaté que les guerres impérialistes sont un grand accélérateur de l'histoire. Quatorze a été une rupture énorme pour l'évolution du monde et pour le mouvement ouvrier. C'est pourquoi, aujourd'hui encore, il nous faut rester très ouverts.
Si l'on regarde uniquement le mouvement ouvrier deux faits sautent immédiatement aux yeux :
a) En 1914, il y avait un mouvement de masse dans certains pays comme en Allemagne, en Russie, en Italie, dans les Balkans et en Grande-Bretagne. La classe ouvrière était très militante.
b) Nous sortons de 45 ans de recul de la lutte de classe et de recomposition de la classe ouvrière. La bourgeoisie était à l'offensive depuis les Réganomics et la mondialisation.
C'est face à ces difficultés que nous sommes et nous devons savoir utiliser les conséquences de la guerre pour rapprocher le politique et l'économique afin de fournir une étincelle pour une lutte plus consciente de la classe ouvrière au sens large. Ce combat est important si l'on ne veut pas qu'elle retombe une nouvelle fois dans le réformisme.
Nous sommes donc au tout début de la recomposition du mouvement ouvrier. Si l'on veut refaire des analogies historiques, il faut souligner que nous sommes donc bien avant Zimmerwald avec notre proposition de Comités NWBCW. Ce n'est qu'une fois que nous aurons bien mis en évidence les conséquences de la guerre que la voie des discussions entre les militants le plus conscients (c'est-à-dire les révolutionnaires) sera ouverte ouverte, afin de préparer le terrain pour l'Internationale.
Quelques leçons du mouvement avant Zimmerwald
La déclaration de guerre en août 1914 et la trahison de l'Internationale fait place à la sidération pour les socialistes, les syndicalistes et les anarchistes. Il va falloir attendre un certain temps pour que les premières réactions contre la guerre mondiale voient le jour.
1. Débuts des actions des socialistes contre la guerre
a) Après septembre 1914, tous les partis socialistes des pays neutres essayaient de renouer les liens internationaux interrompus par le déclenchement de la Première Guerre mondiale. La toute première initiative vint du Parti socialiste américain, mais elle resta sans écho à cause de sa relative faiblesse et de la position géographiquement isolée de ce parti.
C'est à Lugano que fut organisée le 27 septembre 1914 la première rencontre internationale socialiste qui se prononça clairement contre la guerre. Certes, il s'agissait seulement d'une réunion bilatérale entre partis socialistes de deux États voisins et neutres, mais ce «groupe du sud» formait déjà le premier noyau de ce qui allait devenir le mouvement de Zimmerwald.
Morgari proposa la création d'« un Bureau international véritable, mais provisoire, qui aurait à prendre son activité immédiatement et qui aurait son siège en Suisse. »(2) Les actions internationales des socialistes suisses et italiens prirent vite une dynamique plus radicale. Ce fut surtout le cas après l'entrée de l'Italie en guerre en mai 1915. Contrairement aux partis socialistes des autres grands pays de l'Europe occidentale, le Parti socialiste italien (PSI) resta opposé à l’entrée en guerre et continua ses efforts pour une relance de l'internationalisme socialiste.
b) Le Congrès socialiste international de Copenhague des 17 et 18 janvier 1915 fut la première tentative de regrouper les socialistes, y participèrent les socialistes des pays Scandinaves et de Hollande, à laquelle les Suisse et les Italiens refusèrent de participer pensant que c'était une initiative de l’Allemagne. Ce premier congrès était encore plein d'illusions de regrouper les socialistes de tous les pays pour défendre la paix. Il s’ouvrit le dimanche 17 janvier 1915. « Les délégués suédois étaient Branting et Ström pour le S.A.P.(3), Herman Lindqvist et Ernst Södeberg pour la L.O.(4) La délégation danoise comprenait T.H. Stauning, F. Borgbjerg, Sigvald Olsen et Carl Madsén, celle de Norvège était constituée de Magnus Nielsen, J. Vidnes, Ole C. Lian et Sverre Iversen. Enfin le Parti social-démocrate des ouvriers des Pays-Bas avait désigné P. Troelstra, H. Van Jol, Vliegen et Wibaut. Outre ces 16 délégués, on rencontrait encore quelques socialistes danois, de Roode, rédacteur du journal socialiste hollandais "Het Volk", et un représentant du "Bund" juif, Anna Leepa. Le dimanche 17 janvier 1915, Stauning qui, au nom du Parti danois souhaita la bienvenue aux délégués, déclara que les représentants américains et suisses « n’avaient pas pu être présents », non plus que Morgari, secrétaire du parti socialiste italien. »(5)
Lénine, de son côté, a demandé à Chliapnikov(6), alors à Copenhague, de « ne pas aller au Congrès ». En même temps, il l’informe que « les Suisses n’iraient pas » à Copenhague.
L’ordre du jour du congrès était :
- Action en faveur de la paix
a) requête aux gouvernements
b) programme de paix de la Social-démocratie - Propositions de Suisse et des États-Unis
a) projets de réunions d’une conférence des États neutres
b) projets de convocation d’un congrès des partis socialistes des États neutres
Cette première conférence rappelle aux socialistes d’œuvrer pour la paix, il n'y avait pas encore de position révolutionnaire bien que la guerre impérialiste mondiale posait la question de la révolution communiste.
Une commission composée de Branting, Nielsen, Stauning et Troelstra rédigea trois résolutions. La première rappelle aux travailleurs sociaux-démocrates « et particulièrement à ceux appartenant aux pays belligérants » les principes de l’Internationale déjà proclamés au Congrès de Copenhague de 1910 et protestait « contre la violation du Droit international au préjudice de la Belgique ».
La seconde, le Congrès demande aux partis sociaux-démocrates des États neutres d’inviter leurs gouvernements à exercer, séparément ou en commun, une action de médiation de paix auprès des belligérants. (souligné par nous, l'on voit bien la position pacifiste des délégués de ce congrès). La troisième résolution s’élève contre l’arrestation de 5 membres de la Douma russe coupables d’avoir rédigé un rapport destiné à la présente réunion.
Ces efforts pour reconstituer l'Internationale restaient vains. Alors le 26 avril, le Parti socialiste suisse invite tous les représentants des pays neutres à une nouvelle conférence à Zurich le 30 mai. Là encore, il souhaite que ce soit le B.S.I. (Bureau socialiste international) qui se charge de sa convocation, cependant, il déclare qu’à défaut, il en prendrait l’initiative tout seul.
Pour de nombreux dirigeants socialistes c’était au B.S.I. de convoquer une conférence des Neutres. D’ailleurs lors de la conférence de Copenhague, Scandinaves et Hollandais s’étaient prononcés également pour que le Comité Exécutif du B.S.I. convoquât une conférence socialiste pour la paix.
c) Autres actions et conférences internationales. Une Maison du Peuple existait à Berne depuis 1893. C'est dans ce bâtiment qu'eurent lieu la Conférence internationale des Femmes socialistes (25-26-27 mars 1915) et la Conférence internationale des Jeunesses socialistes (5 - 7 avril 1915) qui prirent toutes deux clairement position contre la guerre.(7) L'initiative du PSI, du parti suisse et de Morgari s’accélère après ces deux conférences.
En avril 1915, le député italien Oddino Morgari, après consultation des Suisses, se rend en France au nom du parti socialiste italien. Morgari faisait partie de l'aile droite du PSI, il était un pacifiste. Il rencontre le leader socialiste belge Émile Vandervelde, président du Comité exécutif du Bureau International. Ses propositions de rencontre internationale ont été catégoriquement rejetées par Vandervelde. A Paris, Morgari a des discussions avec le menchevik Julius Martov qui le convainc de la nécessité d'une conférence des socialistes anti-guerre indépendante du BSI. Cette idée est renforcée par le fait qu'en même temps que les discussions avec Morgari avaient lieu, un manifeste est écrit par l'opposition anti-guerre du SPD. Ce manifeste a fait son chemin en France et inspire l'opposition à la guerre française. Il rencontre également Trotsky, Victor Tchernov, et parmi d'autres socialistes anti-guerre français regroupés autour de Merrheim et de Pierre Monatte. De Paris, Morgari se rend à Londres où le Parti travailliste indépendant (ILP) et le Parti socialiste britannique (BSP) expriment leur intérêt pour une conférence des socialistes anti-guerre. Lors d'une réunion du parti les 15 et 16 mai, le PSI approuve enfin une réunion de tous les partis et groupes socialistes opposés à la guerre.
d) Travaux préparatoire pour Zimmerwald. A nouveau la Maison du Peuple de Berne hébergea le 11 juillet 1915 la réunion préparatoire de la conférence de Zimmerwald.(8) Dans un premier temps les bolcheviks et les autres groupes de gauche ne furent pas invités à la conférence préparatoire de Berne qui devait se limiter aux partis membres du BSI. Ensuite la conférence d'organisation a réuni sept délégués : le bolchevik Grigory Zinoviev, le menchevik Pavel Axelrod, Angelica Balabanoff et Oddino Morgari du Parti socialiste italien, Adolf Warski de la social-démocratie du Royaume de Pologne et de Lituanie, Maksymilian Horwitz du Parti socialiste polonais – Gauche, et Robert Grimm du Parti socialiste suisse. Seuls les Italiens venaient de l'étranger, les autres participants résidaient en Suisse.
La réunion commence par des discussions sur les personnes à inviter à la conférence. Grimm propose que tous les socialistes opposés à la guerre et en faveur d'un renouveau de la lutte des classes soient accueillis. Zinoviev demande que la participation soit limitée à la gauche révolutionnaire. En fin de compte, la réunion décide d'inviter tous les socialistes explicitement opposés à la guerre, y compris les centristes anti-guerre français et allemands tels que Haase et Kautsky. Zinoviev appelle également à la participation de divers groupes de gauche, mais la proposition est à nouveau rejetée. La réunion a décidé de limiter la participation aux membres de la Deuxième Internationale, mais heureusement cette restriction n'a finalement pas été appliquée puisque des syndicalistes y participèrent.
Robert Grimm et d'autres finirent par convaincre d'éminents socialistes opposés à la guerre de participer à la conférence internationale secrète qui se tint du 5 au 9 septembre 1915 à Zimmerwald. Parmi les délégués, venus de douze pays, on trouve, outre les Suisses Fritz Platten, Charles Naine et Carl Vital Moor, Lénine, Zinoviev, Trotski, Karl Radek, Georg Ledebour (Allemagne), Alphonse Merrheim (France) et Giacinto Menotti Serrati (Italie). Grimm bénéficia du fait qu'il avait précocement ouvert les colonnes de la Berner Tagwacht(9) à tous les courants socialistes dissidents et qu'il pouvait, comme citoyen d'un pays neutre, agir des deux côtés du front.
Les participants adoptèrent un manifeste qui, critiquant le soutien apporté à la guerre par les partis socialistes officiels, appelait à lutter contre elle et à rompre l'union sacrée. Ce texte, notamment parce qu'il portait la signature de socialistes allemands, français, italiens et russes, eut un grand retentissement. La conférence créa une Commission socialiste internationale (CSI), avec secrétariat à Berne dirigé par Grimm. Le mouvement de Zimmerwald devait, pour la majorité de ses partisans, coordonner les activités des opposants socialistes à la guerre avec un bulletin. (Cf. : le bulletin N°1 au-dessus).
2. Les anarchistes
Dans cette débâcle générale, quel est le rôle des anarchistes ? Le désarroi qui a frappé tous les révolutionnaires a-t-il épargné les anarchistes ? Il serait vain et faux de prétendre qu’ils y aient tous entiérement échappé.
En France, Sébastien Faure (qui a refusé de joindre sa signature à celles de ses camarades - dont Kropotkine et Jean Grave - du Manifeste des 16 qui ont rallié l’Union sacrée) rédige avec les militants restés antimilitaristes un contre-manifeste, que la censure blanchira. «
Aux conférences internationales des dirigeants qui disposent à leur fantaisie des peuples comme de dociles troupeaux, nous pensons qu’on doit opposer une conférence internationale des travailleurs du monde entier. Déjà en septembre 1915, s’esquissa, à Zimmerwald, une première tentative en ce sens, et nous applaudîmes en son temps à ce premier effort. Mais ce n’était encore là qu’une ébauche. Cet effort sera renouvelé et il doit atteindre l’ampleur que comporte la gravité des circonstances. Les organisations des travailleurs de tous les pays doivent dès aujourd’hui se hâter de constituer un congrès mondial du prolétariat dont l’œuvre sera tout d’abord d’exiger la cessation des hostilités et le désarmement immédiat et définitif des nations._ » Clandestinement il continuera à diffuser des tracts qui circuleront jusque dans les tranchées.
Malatesta écrit : « La ligne de conduite des anarchistes est clairement tracée par la logique même de leurs aspirations. La guerre aurait dû être empêchée par la Révolution, ou au moins en inspirant aux gouvernements la peur de la Révolution. La force ou l’audace nécessaire a manqué. La paix doit être imposée par la Révolution ou, au moins, par la menace de la faire. Jusqu’à présent, la force ou la volonté fait défaut. »(10) Cette position ressemble à celles des marxistes révolutionnaires qui comprennent que seule la révolution imposera la paix .
C'est d'ailleurs ce qu'écrit le journal anarchiste suisse Il Risveglio(11) sur Zimmerwald sur les divergences parmi les participants: « Ainsi, les socialistes eux-mêmes ne sont pas tous satisfaits de Zimmerwald. Comment le pourrions-nous, à moins de renoncer à toute la richesse de nos idées, à moins d'adhérer à une tactique qui a conduit le socialisme et le syndicalisme à une impuissance totale ? L'Internationale s'est levée ! »
Il poursuit en précisant que Zimmerwald était une conférence des membres de la deuxième Internationale qui avaient failli et de syndicalistes proches de cette dernière. On comprend à la lecture de cet article que Il Risveglio demande aux participants à la conférence encore un effort et d'abandonner leur position sur l’État pour créer une véritable internationale.
Toutefois, on constate qu'il y a en gros deux attitudes parmi les anarchistes : ceux qui donnent leur soutien à Zimmerwald et les autres. Il Risveglio fait partie de ces derniers. Il écrit dans un nouvel article « que le groupe Libertario en Italie et le groupe Temps Nouveaux à Paris ont donné leur adhésion. Nous continuons à croire qu'ils voulaient simplement se réjouir de la signification morale de la réunion, malgré tout, des hommes de divers pays ennemis. »(12) Pour Il Risveglio, Zimmerwald reste une réunion d'étatistes et de ministérialistes....
Indépendamment de la position d'Il Risveglio, il est clair que tous les révolutionnaires, quelles que soient leurs positions politiques, ont dû soit adhérer à Zimmerwald soit prendre position par rapport au mouvement. La situation était trop grave pour ne pas adhérer à la seule initiative importante et internationale. Nous estimons que l'initiative NWBCW se conforme aux principes de la Gauche zimmerwaldienne. A nous d'en garder l'esprit pour le faire fructifier dans le monde d'aujourd'hui
3. Résultats insuffisants de Zimmerwald, ouverture vers le futur....
Bien sûr tous les participants avaient fait des concessions et les résultats étaient maigres par rapport au massacre en cours sur les champs de bataille, le désespoir dans les familles et à la gravité de la situation mondiale. Mais, après l'effondrement des principales organisations ouvrières dans le monde, Zimmerwald était une avancée, une fenêtre d'espoir dans la sanglante boucherie impérialiste.
On sait comment la conférence s’unit finalement sur un texte de compromis, le "Manifeste de Zimmerwald". C'est pourquoi, Lénine, Zinoviev et Radek avec Höglund et Nerman signèrent la déclaration de la Gauche zimmerwaldienne : « nous acceptons le Manifeste parce que nous le concevons comme un appel à la lutte et que dans cette lutte, nous voulons marcher la main dans la main avec les autres groupes de l’Internationale », y déclaraient les signataires de la minorité, mais « le Manifeste accepté ne nous satisfait pas complètement ».(13) Malgré de vigoureuses protestations contre la guerre « le Centre avait encore vaincu à Zimmerwald » et la conférence « n’avait donné aucun mot d’ordre révolutionnaire ».(14) Au nom des fédérations des jeunesses social-démocrates suédoise et norvégienne, Höglund et Nerman promirent alors à la gauche Zimmerwaldienne créée par Lénine à l’issue de la conférence une aide financière(15) égale à celle qu’allait recevoir la Commission socialiste internationale qui s’installa à Berne.
Berne fut désignée à Zimmerwald comme siège de la Commission socialiste internationale (CSI). Cette dernière était présidée par Robert Grimm. Angelica Balabanoff y fonctionnait comme interprète et secrétaire, Oddino Morgari y représentait le Parti socialiste italien et Charles Naine le Parti socialiste suisse. C'est encore à Berne à la Maison du Peuple que les réunions de la CSI élargie eurent lieu entre février et mai 1916. A la fin d'avril 1916, la CSI organisa la deuxième conférence à Kienthal. Grimm déclara que le rôle de la CSI se cantonnerait à la publication d’un bulletin international et à la coordination de la propagande contre la guerre, et qu’elle cesserait son activité dès que le BSI reprendrait la sienne. Il avait encore l'illusion que l'Internationale reprendrait ses activités normalement.
Ces résultats étaient déjà une réussite. Ils allaient fructifier, sans eux la suite n'aurait certainement pas été possible. Dans les organisations, il existe toujours une droite, un centre et une gauche. La gauche va se développer jusqu'à Kienthal et au-delà. Son action accompagnera les révolution russe et allemande, la fin de la guerre et la création d'une nouvelle Internationale.
Il est enfin temps de comprendre nos responsabilités face à un monde qui est profondément transformé par l'entrée en guerre des grandes puissances impérialistes en Europe et qui a pour but ultime d'isoler et d'étouffer la Chine. Nous entrons dans une nouvelle et longue séquence, nos efforts contre la guerre et, par contre, pour la guerre de classe vont devoir durer pendant plusieurs années. En conséquences :
- ne tombons pas dans l'immédiatisme et ne nous décourageons pas trop vite, notre combat sera long et difficile. Nous devrons nous battre pour convaincre le maximum de camarades à nous rejoindre et à propager nos idées pour détruire une bonne fois le capitalisme et tous les États qui sèment la mort et la misère ;
- dans ce combat titanesque nous ne pouvons pas trier parmi tous ceux qui sont internationalistes et révolutionnaires et qui souhaitent nous rejoindre.
Nous avons un monde meilleur à gagner.
M.O.Bilan & Perspectives
juillet 2022
Notes:
Photo de : Bulletin n°1 de la Commission socialiste internationale du 21 septembre 1915 (contient les textes en français, allemand et anglais du manifeste adopté par les délégués lors de la conférence internationale de Zimmerwald)
(1) Proposition de Morgari, voir Procès verbal de la réunion. Évidemment cette proposition est faite à cause de la faillite du Bureau international de l'Internationale - Source : Jules Humbert-Droz : L’origine de l’Internationale Communiste - De Zimmerwald à Moscou. Éditions la Baconnière, Neuchâtel, 1968. Pages 91-99.
(2) Procès verbal de la Conférence in Conférence des deux partis suisses et italiens : Procès-verbal des discussions - [Fragments d'Histoire de la gauche radicale] (archivesautonomies.org)
(3) Parti social-démocrate suédois des travailleurs fondé en 1889 (Sveriges Socialdemokratiska Arbetareparti ou SAP)
(4) Confédération des Syndicats Suédois (Landsorganisationen - LO)
(5) Voir, Le parti social-démocrate suédois et la politique étrangère de la Suède, 1914-1918, chapitre : Le conflit à l’intérieur du parti, p. 152-169 (de Jean-Pierre Mousson-Lestang, Éditions de la Sorbonne, 1989).
(6) Il était rentré en Russie clandestinement en avril 1914 sous une identité française (Jacob Noé) ; au début de la guerre il dut quitter la Russie car tous les français valides étaient engagés dans l'armée. Fin septembre 1914, il part donc pour la Scandinavie muni d’un mandat fourni par le Comité de St Saint-Pétersbourg et par la fraction bolchevique de la Douma, qui indiquait qu’il était leur représentant officiel à l’étranger. A cette époque, Chliapnikov n'était pas tout à fait d'accord avec Lénine. Il voulait trouver une solution pour que les mots d'ordre de lutter contre sa propre bourgeoisie en Russie ne favorisent pas trop l'impérialisme allemand.
(7) Voir résolution de la Conférence in Berner Tagwacht, N°88 - 17 avril 1915 : Compte-rendu officiel de la conférence - [Fragments d'Histoire de la gauche radicale] (archivesautonomies.org)
(8) Rapport de Zinoviev : Conférence préliminaire à Berne - Zinoviev - [Fragments d'Histoire de la gauche radicale] (archivesautonomies.org)
(9) « Le rôle du Berner Tagwacht fut une véritable planche de salut pour les internationalistes « Nos forces étaient encore faibles et dispersées, mais les indications précises que nous pouvions donner à notre visiteur lui permettraient de dresser, dans la Berner Tagwacht, un tableau d'ensemble, exact et fidèle, de la véritable situation en France, et de la Berner Tagwacht la nouvelle irait partout, dans tous les pays, surtout en Allemagne où il était particulièrement important qu'on sût la vérité » (Alfred Rosmer in Le mouvement ouvrier pendant la guerre. De l'union sacrée à Zimmerwald, Paris, Librairie du Travail, 1936, p. 369).
(10) Article d'avril 1916 dans le journal anarchiste anglais Freedom.
(11) « A propos de Zimmerwald », numéro 426, 1er janvier 1916. (traduction de l'italien par nous).
(12) « Pourquoi nous ne sommes pas zimmerwaldiens », numéro 443, 9 septembre 1916. (traduction de l'italien par nous).
(13) Cf. : marxists.org
(14) Cf. : Ture Nerman in Berner Tagwacht, 5 septembre 1935 : archivesautonomies.org
(15) op. cit.
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