Éléments de réflexion sur le coronavirus

L'article qui suit est une traduction de Battaglia Comunista du 3 (mars 2020), journal du Parti communiste internationaliste. L'Italie a actuellement l'un des pires taux de mortalité par coronavirus (4%), plus élevé que celui de la Chine et cela malgré le verrouillage de plus d'une douzaine de villes en Lombardie, la fermeture de toutes les écoles et universités à travers le pays, l'interdiction des rassemblements publics et le fait de demander aux Italiens qui assistent à des rassemblements sociaux qu'ils gardent un mètre des personnes autour. Le verrouillage s’est maintenant étendu au Nord (de manière très déroutante). Mais l'infection a également atteint la Lazio (la région de Rome) où même le chef du Parti démocrate, Nicola Zingaretti, a été infecté. Pendant ce temps, la vie sociale est devenue insupportable, en particulier pour les jeunes, car la plupart des lieux publics ferment en début de soirée. L'économie italienne n'a connu aucune croissance depuis 18 mois, l'effondrement du tourisme et du reste de la vie économique ne peuvent qu'empirer la situation. Cet article veut examiner cependant le contexte plus large de l'impact du coronavirus qui, à certains égards, a fourni un alibi à la crise qui était déjà à venir.

Ce n’est pas en Italie seulement que les coupes par l’État des dépenses sociales et de santé révèlent un «service de santé» incapable de lutter contre une épidémie comme le coronavirus. Le 4 mars, Boris Johnson a magnanimement annoncé que les travailleurs qui devraient prendre un congé de maladie en raison de l’infection par le coronavirus recevraient une indemnité de maladie à partir du premier jour du congé, et pas à partir du quatrième, comme d'habitude. Cependant, environ 2 millions de personnes au Royaume-Uni ne gagnent pas assez pour avoir droit à une indemnité de maladie, dont plus d'un tiers environ de ce million se trouvent sous contrat zéro heure. Beaucoup de ces travailleurs effectuent un travail vital dans les domaines de la santé, des soins sociaux et du nettoyage: des domaines particulièrement importants pour une société confrontée à une éventuelle pandémie virale. En plus, les urgences médicales débordent, comme le nombre de médecins généralistes a diminué au moment où le gouvernement supprime leurs droits à pension.

La situation aux États-Unis est encore pire avec des millions de citoyens américains incapables de payer les soins d'urgence avec un gouvernement qui a commencé par nier la gravité de l'épidémie et ne surveille toujours pas les personnes se déplaçant. Jusqu'à présent, le taux de mortalité aux États-Unis est plus élevé que dans la plupart des autres pays du monde (bien qu'il devrait diminuer au fil du temps). Un de nos camarades américain de l’IWG nous raconte,:

« Alors que les cas d’infection augmentent de jour en jour et que des milliers de personnes sont mises en quarantaine d'une côte à l'autre de l’Amérique, la propagation du virus et la couverture médiatique qui en résulte ont amené un impact considérable sur l'économie. Une augmentation importante de demande de produits comme de désinfectants pour les mains, de lingettes désinfectantes et de masques chirurgicaux a causé une pénurie dans le pays. Les pharmacies et les parapharmacies ont ressenti cet impact dans leurs ventes, car de nombreuses entreprises n'ont pas été en mesure de réapprovisionner la majorité de ces fournitures en raison d'une offre limitée et de l’incapacité à répondre à la demande. Les produits désinfectants qui restent disponibles sont fortement majorés dans le souci d'augmenter les bénéfices. Les entrepreneurs ne sont pas les seuls touchés par l'épidémie de coronavirus. Les travailleurs infectés sont mis en quarantaine ; la plupart ne sont pas indemnisés pour le temps qu'ils sont contraints de quitter leur travail. Aux États-Unis, des districts scolaires ont été fermés et de nombreux enseignants et professeurs (qui ne sont pas infectés par le virus) auront particulièrement du mal à joindre les deux bouts. »

Dans tous les États de la planète, les spéculateurs sur la santé tuent déjà, et nous ne sommes encore qu'au début de cette saga…

1. La crise sanitaire en Italie

Abstraction faite des aspects purement épidémiologiques, sur lesquels nous n'entrerons pas ici, il a été révélé dès le début que le système de santé était sur le point de s'effondrer. Seulement au cours des dix dernières années, il y a eu des réductions de plus de 37 milliards d'euros avec plus de 70 000 lits en moins, etc. Cela a produit deux résultats fondamentaux.

Le premier est que le contrôle aux frontières ne suffit pas et le nombre de pathologies a augmenté un certain temps ce qui aurait pu être limité avec un programme efficace et généralisé de prévention, de contrôle et de traitement médical. Au cours de la dernière décennie de crise, au cours de laquelle le pouvoir d'achat des familles s'est effondré, l'une des premières dépenses en réduction a été celle des dépenses de santé par habitant.

Les soins de santé italiens sont confrontés à une situation dramatique dans laquelle l'exaspération des «clients» est le fusible qui déclenche les attaques de plus en plus fréquentes contre les ambulances et le personnel médical. Il pourrait arriver, étant donné l'incapacité du système de santé remodelé, l’impossibilité de faire face à une urgence croissante. Cela devient clair.

Le deuxième résultat est celui que nous connaissons depuis un certain temps: il n'y a pas assez de personnel médical pour faire face aux urgences. La pénurie de médecins hospitaliers qui ne sont pas embauchés parce qu'ils "coûtent trop cher", est déjà bien connue ainsi que la pénurie d'autres personnels qu'une urgence comme celle d’aujourd’hui révèle avec force. Actuellement, la situation critique de la recherche de santé est également révélée. Pour donner un exemple flagrant: les trois chercheurs de l'hôpital Spallanzani qui ont isolé le virus en Italie sont tous jeunes et précaires.

2. La crise économique

Bien que loin d'être la véritable cause de la crise mondiale, cette épidémie pourrait l'aggraver de façon dramatique (la crise de 2008 n'est toujours pas terminée). Le coronavirus pèsera lourdement sur le PIB chinois, italien, européen et mondial pour l'année 2020. Les chiffres sur la dette mondiale, la lente reprise de la production industrielle, le résultat largement inefficace du Quantitative Easing, les infimes augmentations du PIB, etc., illustrent déjà une difficulté globale de l’économie. Elle traverse une crise qui n'a pas encore été surmontée alors qu'une nouvelle crise, plus dévastatrice, approche déjà. Le coronavirus pourrait être la dernière goutte qui fait déborder la coupe capitaliste. Les prochains mois seront critiques. Dans l'intervalle, les prévisions économiques (et nous ne sommes qu'en mars soit quelques semaines depuis le début de l'épidémie) affirment que cette urgence fera tomber un à trois points du PIB, ce qui, en tout cas, sera la justification de la lourde intervention financière qui sera payée, comme toujours, par les travailleurs. Cela s'accompagnera d'une baisse du commerce intérieur que les entreprises étrangères et les commerçants répercuteront sur «leurs» travailleurs en termes de baisse de salaire et de dégradation des conditions de travail.

3. Panique-spéculation-panique

Les médias de masse n'ont parlé de rien d'autre, démontrant ainsi l'immense puissance de feu de l'idéologie dominante lorsqu'elle décide de transmettre un message particulier. En conséquence, toute la population italienne a été engloutie dans un moment de panique.

Mais la panique est aussi judicieuse pour le contrôle social que pour la spéculation économique, qui attend toujours. Dans une telle situation d'urgence, les spéculateurs peuvent se jeter comme des requins sur un banc de morue pour saisir chaque mini-opportunité pour faire des bénéfices supplémentaires: avec l'essor des ventes de gel désinfectant et de masques, le secteur pharmaceutique et de la santé a connu de nombreux et importants pics spéculatifs. Pendant ce temps, les supermarchés ont été pris d'assaut et vidés. Un grand merci à ces vautours à la couverture médiatique qui a tellement terrifié la population. Mais la spéculation ne s'arrête pas là. Des dizaines de milliards d'euros ont déjà été brûlés à la Bourse de Milan ces derniers jours, car, encore une fois, l'occasion est saisie pour faire en sorte que ceux qui ont tendance à être terrifiés paient au moins une partie du coût de la crise: comme les petites et moyens épargnants qui, à chaque tournant de la crise, voient une partie de leur épargne s'évaporer.

4. Contrôle social

En Chine, comme en Italie, ou partout où le virus se propage, cette urgence représente un test pour la capacité d'intervention de l'État. Loin d'être un facteur statique, le pouvoir de l'État, sa capacité à contrôler et à réagir aux phénomènes sociaux est le produit de dynamiques humaines et historiques complexes. Les urgences graves sont un laboratoire dans lequel l'État augmente sa capacité à centraliser, contrôler et réguler la population. L'ampleur mondiale de l'urgence du coronavirus ne fait que répéter cette dynamique à une échelle encore plus grande. C'est ici que l'État teste la capacité de ses rouages ​​à centraliser le contrôle des flux de population, les restrictions de déplacements, la gestion des urgences sociales, etc. Aujourd'hui pour contenir le virus, demain ... pour tout ce qui pourrait arriver. L'État, la classe dirigeante, sait en effet que le système est confronté à de futures catastrophes de nature de plus en plus dévastatrices et imprévisibles (crises économiques, guerres contre la pauvreté, migration, faim et soif, ainsi que dévastation environnementale, catastrophes climatiques, épidémies, voire des émeutes ...), chaque nouvelle urgence est donc également vécue, et il ne pourrait en être autrement, comme un test potentiel de sa capacité d'action (et pour les marxistes, l'État n'est rien d'autre que l'instrument d'oppression d'une classe par une autre).

Tout cela sans tenir compte des conflits possibles que les mesures prises peuvent produire au sein des différents secteurs de la bourgeoisie et des politiciens qui les représentent. Dans ce cas particulier, par exemple, la droite essaie de capitaliser sur la situation en demandant des dépenses de dizaines de milliards d'euros (qu’elle sait très bien que personne ne mettra jamais à disposition) pour le soutien des entreprises et des familles. Entre-temps, le gouvernement a décidé d'interdire les grèves de certains secteurs, prévues pour un certain temps ce mois-ci, notamment celle de «Non una di meno» (pas une de moins) du 9 mars, en retirant l'ancienne législation antigrève du dossier du parlement.

5. La planète et l'Humanité sont malades

Le coronavirus n'est que le dernier signal d'alarme. La planète et l'humanité souffrent d'une maladie beaucoup plus grande et plus grave qu'un virus, une maladie qui provient du système de production lui-même. Il empoisonne les relations sociales en les marchandisant, dévastant et dégradant tout ce qu'il rencontre afin de réaliser sa substance vitale: le profit. Cette maladie est appelée capitalisme, la planète et l'Humanité sont malades du capitalisme sénile et le coronavirus n'est que sa dernière manifestation. Ceci, comme tous les autres symptômes du malaise planétaire, environnemental, humain, social, doit être retourné contre la maladie elle-même pour dénoncer ses dangers.

6. Il y a un remède

Il existe un remède à ce virus, comme à toutes les autres catastrophes que la maladie capitaliste a produites, continue de produire et, pire encore, va produire à l'avenir. La guérison n'est pas immédiate et définitive, c'est clair, mais c'est une médication qui fixe les conditions minimales pour faire face aux urgences environnementales, humaines et sociales que le capitalisme léguera à la société qui le remplacera. Le communisme est le remède à ce mal.

Ce n'est pas un remède miracle qui, comme par magie, libérera l'humanité et la planète des nombreux malheurs qui les tourmentent. Non. Le remède communiste fonctionne différemment: en libérant l'humanité de l'esclavage du profit. Une fois que les êtres humains librement associés ne produiront plus pour le profit de quelques-uns et ne produiront que pour répondre aux besoins de chacun, nous changerons la façon dont nous traitons les problèmes. En mettant le bien-être humain et environnemental au centre de nos préoccupations, la production néfaste sera abandonnée, des ressources énormes seront utilisées pour restaurer des environnements pollués, des êtres humains librement associés pourront affronter concrètement les différents problèmes pour ce qu'ils sont réellement, impliquez-vous et ne vous souciez plus, comme cela se produit aujourd'hui, de l'impact que cela peut avoir sur le PIB, le pouvoir impérialiste et la croissance du capital.

Nous pouvons garantir que notre guérison fonctionnera car elle implique un changement radical de mentalité ainsi que dans les relations économiques et sociales, exactement ce dont cette planète et cette humanité, si gravement malade du capitalisme, ont besoin aujourd'hui.

Lundi, 9 mars 2020

Wednesday, March 11, 2020