Quel Front commun ?

Les négociations du secteur public s'en viennent à grand pas. Déjà, quatre centrales syndicales représentant 400 000 employéEs se sont réunies en Front commun pour ces négociations. Pour plusieurs militants et militantes, c'est l'occasion de finalement préparer la riposte aux politiques d'austérité qui se succèdent en cascade depuis la crise de 2008. S'il est vrai que la perspective d'une grève de plus 500 000 employéEs du secteur publique porte l'espoir de freiner un patronat à l'offensive depuis les années 80, de nombreuses embûches se dressent devant nous.

En effet, depuis dix ans, les négociations du secteur public ne se sont jamais terminées à l'avantage des syndiquéEs. Que ce soit la répression de la grève illégale isolée des infirmières en 1999, les lois spéciales à répétition dans les années 2000, ou encore quand les boss syndicaux ont signé une entente à rabais en 2010, une convention qui base l'augmentation des salaires sur la croissance du PIB (comme si les employéEs de l'État seraient responsables des malheurs de l'économie). Si nous faisons un bilan des dernières années, nous pouvons dire que trois conditions sont essentielles pour qu’une véritable grève de masse puisse être enclenchée afin de bloquer les politiques d'austérité :

  • Assurer l'unité des travailleurs et des travailleuses du secteur public, ainsi que celle de toute la classe ouvrière.
  • Être prêt à défier l'éventuelle loi spéciale que le gouvernement libéral ne se gênera pas à imposer à la moindre menace de moyens de pression lourds.
  • Le rejet par les assemblées générales de l'entente à rabais qui sera sans aucun doute signée par les grandes centrales.

Quelle unité ?

L'unité est déjà mise à mal. Déjà les 30 000 enseignants et enseignantes de la Fédération autonome de l'enseignement n'en feront pas partie (on dit que c'est à la demande de la CSQ qui ne veut pas voir d'autres membres la quitter pour la jeune centrale plus combative). Les membres de la FIQ ont aussi refusé de se joindre au Front commun, ce qui est compréhensible après qu'ils et elles se soient fait ''solidairement'' laisser sur le bord du chemin lors des négociations de 2010. Aussi, les maraudages entre les participants au Front commun se multiplient, poussant les bureaucrates syndicaux à fragiliser encore plus l’unité pour ne pas perdre des parts du marché des cotisations du secteur public. Le Front commun ressemble plus à une façade qu'à une véritable tentative d'union des travailleurs et des travailleuses. Il faut se rappeler que l'unité n'a de valeur que si elle se réalise à la base.

La légalité capitaliste sera contre nous

Ne soyons pas dupes, il y aura loi spéciale, et si elle n'est pas défiée, il y aura encore des reculs de nos conditions de vie. Deux choses risquent de freiner notre capacité à affronter l'État bourgeois et sa répression. La première est la tiédeur des permanents syndicaux. Il faut comprendre que les fonctionnaires syndicaux agissent dans le cadre légal capitaliste, et ne peuvent la défier sans faire face une répression qui les mettraient en danger. Il sera toujours plus profitable pour l'appareil d'obéir aux lois plutôt que de les défier. Les menaces d'amendes et la logique de collaboration de classe les feront capituler sans aucun doute. L'autre sera la peur de la défaite. Le souvenir des conséquences de la grève illégale des infirmières est encore frais dans la mémoire de celles et de ceux qui y ont pris part. Sans la perspective que nous ne serons pas isoléEs et trahiEs, il y aura des hésitations et cette hésitation nous sera fatale.

Pas de miettes de pain, pas un pas en arrière

Il n'y aura pas de vrai combat s’il est dirigé par les grandes centrales. Jacques Létourneau, Daniel Boyer et Louise Chabot, ont beaucoup plus en commun avec Philipe Couillard ou Pierre-Karl Péladeau qu'avec une infirmière ou un ouvrier de la voirie. La paix sociale, les avantages personnels, la croissance de l'économie capitaliste se fait pour et par eux. Ils veulent surtout maintenir leur train de vie et leurs privilèges tirés de nos cotisations. Rien dans leur nature et dans leur situation ne les prépare au combat de classe. Nous devons préparer nos camarades travail à rejeter les capitulations signées par les centrales.

Ne comptons que sur nos propres moyens... pour de vrai

Face à ces difficultés, il n'y a pas de solutions miracles. Les appareils de contrôle syndical, les médias capitalistes, l'État bourgeois et sa police ne nous feront pas de cadeaux, la seule solution c'est de s'organiser plus sérieusement.

Les militants et les militantes les plus conscientEs doivent se regrouper dans des comités de mobilisation autonome des syndicats et de l'État. Ils et elles doivent se préparer à affronter la bureaucratie, à bousculer l'agenda des directions syndicales en commençant par des actions locales combatives. Des initiatives qui vont dans ce sens comme le comité STAT sont prometteuses. Les dernières années ont clairement démontré que les syndicats ne sont même plus capables d'assumer correctement les fonctions les plus platement défensives. Le temps de prendre le chemin de l'autonomie est arrivé pour les travailleurs et les travailleuses. Des assemblées générales massives s'imposent, regroupant les membres de tous les syndicats et de tous les secteurs, à l'extérieur du cadre imposé par nos adversaires patronaux en vue de bâtir l'unité à la base. Il faut aussi aller vers les autres secteurs prolétariens, s'unir avec toutes les luttes de notre classe. Si nous voulons gagner, ce sera en reprenant le contrôle de nos luttes. Pour que ce Front commun puisse être autre chose qu'une ou deux manifestations pour passer cinq minutes aux informations télévisées, pour qu'il soit le début d'une véritable lutte contre les effets dévastateurs de la crise du système capitaliste sur nos vies, il ne doit pas être la triste répétition des échecs précédents. La victoire et l'éventuelle émancipation des travailleurs et des travailleuses en dépendent.

Publié par : le Groupe internationaliste ouvrier,

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Friday, May 9, 2014