Thèses sur le syndicat aujourd’hui et l’action communiste

IV Congrès du P.C.Int.-Battaglia comunista

Dans l’actuelle phase de décadence de la société capitaliste, le syndicat est appelé à être un instrument essentiel de la politique de conservation et par conséquent à assumer de précises fonctions d’organisme d’État.

1947 - Conférence syndicale du P.C.Internazionalista

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L’assujettissement et l’englobement du syndicat dans l’État capitaliste est un fait achevé et irréversible. Nos analyses et prévisions ont complètement été confirmées par les expériences où il s’est trouvé impliquée depuis les premières décennies de ce siècle.

Partie intégrante de l’apparat d’État, réduit au rôle d’instrument indispensable pour le soutien de l’économie nationale et facteur organique de la conservation du mode de production capitaliste (à l’intérieur de ses lois et compatibilité), le syndicat a complètement perdu aussi ces dernières apparences d’organisme intermédiaire et apolitique qui, encore dans les premiers ans de la Troisième Internationale de Lénine, le faisaient croire utilisable par le Parti pour en faire un instrument de la révolution.

Dans la négociation du prix de vente et des conditions d’emploi de la force de travail, le syndicat s’est créé comme instrument de la classe ouvrière, mais inévitablement porté à conserver, en le régularisant, le rapport du travail salarié avec le capital. La fonction d’administration d’un tel rapport a complètement absorbé, dans le soutien de la base économique fondamentale, tant les organismes prédisposés que les hommes engagé en eux.

Si dans la phase historique de montée du capitalisme, des conditions et des espaces existaient objectivement pour justifier le devoir revendicatif spécifique et contractuel du syndicat , ces espaces se sont resserrées petit à petit - dans la phase monopoliste et impérialiste - jusqu’à être annulés par la crise économique générale d’aujourd’hui.

Ce sont en effet épuisées, et définitivement, les possibilités, d’une façon ou d’une autre, de concessions favorables à la classe des salariés: aujourd’hui, chaque réforme est synonyme d’attaque bourgeoise à la classe ouvrière. Le syndicat ne peut pas faire autrement que de développer une fonction de médiateur pour les nécessités de survivance du capital, et de leur acceptation passive de la part des travailleurs.

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Dans cette réalité, s’affirmant historiquement, il devient plus que jamais une conjecture idéaliste - au nom d’une prétendue cohérence avec le passé - d’utiliser la reproposition de visions et tactiques mécanistes, de toute façon fondées sur le recouvrement d’une forme d’organisation de la classe, sans aucune considération pour la substance de son rôle et de sa fonction.

L’acceptation du procès dégénératif du syndicat perd toute validité du point de vue marxiste si elle est rapportée aux trahisons présumées des bureaucraties (c’est-à-dire des hommes) ou des forces politiques qui dirigent les syndicats. Il resterait en effet à expliquer pourquoi de telles bureaucraties ou de telles forces politiques prennent et maintiennent la direction d’un “organisme de classe” qui reste imperméable à la propagande et aux indications tactiques communistes. Et il reste à expliquer comme et pourquoi les positions révolutionnaires devraient ou pourraient revenir à la direction du syndicat. L’abolition du travail salarié, la rupture du rapport capital-travail est l’objectif principal du mouvement révolutionnaire et du programme communiste. Exactement le contraire vaut pour le syndicat c’est-à-dire la conservation de la relation travail /capital - qui est son terrain d’existence et sa raison d’être.

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Tant l’hypothèse de la conquête de la direction syndicale de la part du Parti que celle de la transformation du syndicat lui-même en instrument pour emmener le prolétariat vers l’assaut révolutionnaire n’ont pas résisté à quelque épreuve historique que ce soit, y compris dans les meilleurs moments (Révolution d’Octobre incluse).

Il ne pouvait pas en être autrement en face de la concrétisation de la domination totale du capital et aux manifestations à l’échelle mondial de ses contradictions les plus profondes et incurables. Parmi les institutions de la formation sociale capitaliste, le syndicat a définitivement occupé une position de soutien déclaré au capitalisme, et il a liquidé toute équivoque idéologique possible autour du syndicalisme comme une forme d’être de l'anticapitalisme en fonction révolutionnaire. Entre les coups et les contrecoups de la crise économique, les attaques du capital aux conditions de travail et de vie de la classe ouvrière non seulement annulent chaque précédente “conquête”, mais rendent illusoires la formulation des revendications elles mêmes, en les fondant sur la pratique de la négociation au secours des intérêts de l’ “économie nationale”, du développement capitaliste, du relancement du marché.

Dans la crise du cycle d’accumulation capitaliste, s'aggravant de plus en plus, le syndicat fait sienness les limites économiques du capital, il les impose à la classe ouvrière jusqu’au point où c’est vraiment le syndicat lui-même qui se présente comme l’obstacle principal à la lutte revendicative de classe.

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À la suite de la restructuration lourde de l’appareil et des procès productifs du capital et d’une manière cohérente à ses logiques, la tendance à la désintégration des grands complexes industriels s’est imposée; en ont découlé des modifications aux formes d’agrégation ouvrière. Il s’est parallèlement développé un procès de dévaluation de la force de travail à la suite de réductions du salaire réel dans les métropoles, réalisées avec le chantage au bas coût de la main-d'œuvre en beaucoup de places du marché global où le capital peut utilement investir pour la réalisation de quelques phases ou de la totalité des procès productifs.

L’ensemble de ces phénomènes constitue le moteur primaire de la tendance en acte à la précarisation et à l’individualisation du rapport de travail.

La nouvelle division internationale du travail, les restructurations industrielles profondes de ces ans, le passage d’une production pour de grands lots à une production de plus en plus différenciée, destinée à un marché extrêmement variable et incertain, ont modifié profondément la structure productive tant sur le plan dimensionnel qu’au niveau de l’établissement et de l’organisation.

Beaucoup de grands complexes industriels se sont vivement réduits, beaucoup d’industries ont délocalisé leurs propres unités productives où les coûts de production sont plus faibles, de la main-d'œuvre aux matières premières etc.; d’autres ont diversifié la production ou ont porté à l’extérieur ou une partie ou la totalité de la conception à l’assemblage et à la partie informatique.

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Mais la défense de la petite et moyenne entreprise, à la décentralisation productive, s’est accompagnée, contradictoirement seulement en apparence, de la concentration de plus en plus accentuée de la propriété et du contrôle de la propriété des moyens de production en peu de mains.

Les syndicats n’ont pas été à même, ni ne pouvaient l’être, de contrarier de tels phénomènes car ceux-ci représentaient la seule manière d’être du capital dans la phase de crise de son cycle d’accumulation. Ni ils n’ont pu modifier ou contrarier la conséquence de ces phénomènes: précarisation et individualisation du rapport de travail.

Ils pouvaient seulement se faire d’une manière ou d’une autre ses interprètes, dans le rôle d’administrateurs de cette tendance, auprès de la classe ouvrière. Et c’est exactement ce qu’ils ont fait dans tous les pays métropolitains.

Les accords en Italie sur le coût du travail d’abord et “pour le travail” ensuite ce sont les étapes les plus considérables de cette transformation formelle du rôle du syndicat.

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La transformation du panorama productif et sa fragmentation en petites et moyennes entités, d’une part, la tendance à la précarisation et à l’individualisation du rapport de travail de l’autre, ont dans une grande partie modifié le cadre de référence du syndicat qui a procédé décidé dans la tendance qui nous déterminions déjà en 1985 à se consacrer presque exclusivement à la définition des lignes de politique salariale au niveau macro-économique. Il s’est trouvé ainsi organisativement rejeté de l’ immense majorité des petites et moyennes entreprises d’une part et privé en grande partie de la foi et de la confiance précédente des travailleurs d’autre part.

Tout ce que nous écrivions sur le document “Le syndicat dans le troisième cycle d’accumulation” en 1985 est aujourd’hui encore plus vrai:

Le syndicat est devenu comme un ‘office public’ que l’on hait, mais dont on ne peut pas se passer.

Son devenir d’office public, traduit entre autre dans la négociation centrale des accords susdits, exprime aussi le raidissement des règles générales qui concernent le rapport de travail: au moins depuis 1992 chaque accord avec un minimum de valeur générale (y compris ceux sur la flexibilité du travail) est traduit systématiquement en loi, en le soustrayant ainsi aux hypothétiques négociations suivantes. Les contrats nationaux qui excluent toute autre négociation sur les matières dont ils traitent ont de fait éliminé la négociation d’usine et avec ceci ouvert sur le versant ouvrier les limites dans lesquelles se règulait le rapport de travail, tout à l’avantage du capital qui a fait sienne la force de la loi jusque dans le pressurage individuel du travailleur.

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On ne se consacre donc pas à une défense réelle des intérêts, bien qu’immédiats, des travailleurs sinon en dehors et contre la ligne syndicale et tout type de médiation par un accord négocié, toujours perdante, dirigée et gérée par qui que ce fut. Face aux attaques du capitalisme en crise, la défense concrète des intérêts ouvriers se heurte immédiatement aux exigences de survivance du capital.

Dans ce sens la distinction entre luttes de défense et luttes d’attaque se vérifie pleinement seulement en ce qui concerne le contenu politique des luttes.

Là où elle surgit des luttes réelles de la classe - et non de la fantaisie radical-réformiste de cercles politiques anciennement staliniens et maintenant en phase de recyclage -, la revendication de la diminution d’horaire à salaire égal reléve de la défense. De même, est du ressort de la défense des masses en chômage et marginalisées, la revendication d’un salaire minimum garanti. Ces deux revendications (qui semblent aujourd’hui constituer le programme politique du radical-réformisme) représentent en fait une nécessité vitale des masses prolétariennes brutalement niée par les “nécessités” de survie du capital. Là où elles seraient pratiquées comme des revendications réelles, elles exprimeraient la volonté d’autodéfense du prolétariat et en même temps la nécessité de la destruction du mode de production capitaliste.

L’acceptation, au moins, de cette nécessité comme programme des luttes les caractériserait dans leur potentialité de victoire, indépendamment de leur caractérisation comme défensives ou offensives.

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Etant admis que ce n’est pas au parti politique révolutionnaire d’avancer des revendications différentes de celle du pouvoir de classe du prolétariat et parceque la lutte économique des travailleurs, même seulement de défense, reste une nécessité au-delà d’être un fondement pour le développement de la lutte d’émancipation de la domination du capital, le problème des avant-gardes communistes, leurs devoirs et leur action se posent dans ces termes:

  • les communistes participent aux luttes économiques de la classe en qualité d’avant-garde de la classe même;
  • ils se distinguent en agitant et en diffusant le programme révolutionnaire pour la rupture et le dépassement du travail salarié;
  • dans la mesure où ils se conforment à ces tâches, en dénonçant les limites du revendicationisme pur, ils entrent en conflit ouvert avec l’institution syndicale.

C’est dans ce rapport entre tâches du parti et action des militants à l’intérieur des luttes ouvrières qui se réalisent les possibilités de la transcroissance politique des luttes économiques mêmes vers l’affrontement au pouvoir.

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La prétention de construire des organismes alternatifs de lutte économique, “conscients et permanents”, s’est naufragée dans une Babel de sigles syndicaux de base, dont beaucoup à la recherche, juridique, de pouvoirs contractuels institutionnalisés, sur les traces du syndicat officiel.

Mini-Syndicats autonomes et auto-organisés, plus ou moins autogérés ont fini par réduire leur antagonisme à des problèmes de formes et de structures, en se limitant à critiquer les syndicats pour sa “dérive néo-corporatiste” ou pour sa “dégénérescence bureaucratique verticale”. Justement pour eux continuer à être des syndicats, ils ne se dérobent pas et ils ne peuvent pas se dérober au cadre des compatibilités capitalistes et donc à leur conditionnement. Ceci, aussi dans le cas d’un éboulement des équilibres sociaux et d’une accentuation des luttes matérielles de classe, se traduit dans la tentative d’acheminer la colère ouvrière vers d’autres initiatives contractuelles et de nouvelles orentations syndicalistes d’opposition démocratique.

En ce sens, ils sont les forme d’organisation du radical-réformisme en milieu ouvrier d’autant plus dangereux si les luttes devaient repartir sur les mots d’ordre agitées par elles. Cela exprime le contradiction des procès sociaux d’une part et la nécessité de l’intransigeance sur le programme révolutionnaire de destruction du régime bourgeois et de son mode de production capitaliste.

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Comme il est démontré par les plus significatifs et rares, épisodes de lutte de la classe ouvrière dans ces dernières décennies, les instruments d’organisation les plus efficaces - encore une fois reproposés de nouveau par les travailleurs mêmes - ont pris les formes d'assemblée des comités d’agitation et de grève ou des conseils qui, en première instance, se sont toujours consacrés comme moment de rupture avec les structures syndicales existantes.

Ces organismes de base concluent leur fonction inévitablement avec la fin même de la lutte. Il n’est pas un cas qu’ils n’aient toujours été, jusqu’à présent, remplaçés dans les phases conclusives et “de tractations” de la lutte, par des organismes réellement syndicaux. Mais c’est vraiment de l’expérience de leur existence et de leur fin que les communistes peuvent tirer les motifs de l’agitation et propagande révolutionnaire: ce n’est pas la négociation avec le capital qui peut changer le rapport fondamental entre les classes; la poussée originaire à la lutte doit atteindre l’attaque globale du capital.

Continuité de classe et résultats concret politiques des expériences uniques dans le sens de la perspective révolutionnaire ne signifient pas rendre permanentes - à travers la pratique syndicaliste - les organismes ouvriers économiques, mais conquérir les travailleurs les plus sensibles au programme et à la politique révolutionnaires, en les acquérant à la militantisme révolutionnaire organisé.

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Le mûrissement de la situation révolutionnaire sera marqué par l’orientation explicitement anticapitaliste et révolutionnaire de ces organismes, qui, alors prendront les caractéristiques des conseils ouvriers capables de transcroître d’organismes de lutte anticapitaliste en organismes du pouvoir prolétarien.

L’orientation anticapitaliste et révolutionnaire ne s’impose pas spontanément, c’est-à-dire sans l’intervention active et organisée des militants révolutionnaires. Et c’est pour cela que les expériences uniques des organismes de lutte peuvent marquer des pas en avant dans la stratégie révolutionnaire: en ce qu’ils peuvent sédimenter et agréger des forces qui devront jouer le rôle d’orientation et de direction des conseils dans la phase d’attaque.

Les longues décennies de contre-révolution et le procès de décomposition matérielle que la classe même a subi au cours de la révolution technologique récente ont effacé la conscience de classe la plus élémentaire. Du fond d’une telle situation, on ne peut remonter qu’en reproposant de nouveau et en répandant l’abc du communisme, vers une recomposition subjective (politique) caractérisée par le refus de chaque compatibilité avec les logiques du capital.85

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Pour que l’organisation politique révolutionnaire (le Parti) puisse concrètement s’affirmer comme le point de référence des masses prolétariennes et semiproletaires - en mesure donc d’assumer les fonctions de direction politique et d’organisation qui leur sont propres - il est d’une importance fondamentale que se constitue un réseau d’organismes territoriaux, dans et hors les usines, c’est-à-dire capables d’opérer en toutes les réalités et en toutes les présences de la condition prolétarienne (ouvriers, chômeurs, jeunes, retraités), donc sans équivoque classistes même si non immédiatement identifiables avec le Parti.

L’indication des groupes communistes d’usine, traditionnelle maintenant dans notre parti, trouve ainsi son achèvement et son ajustement à la nouvelle situation et à la nouvelle composition de classe prolétarienne.

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Ces organismes, émanation du parti et ses bras opérationnels dans la classe (dépassantle vieux terme qui s’est désormais rendu ambigu de “courroie de transmission”), distincts par leur origine et leur fonction des organismes de la classe et créés par celle-ci.

Ce sont les instrument de la direction politique révolutionnaire des organismes, de lutte, d’abord, et, ensuite, de pouvoir de la classe ouvrière.

L’accent sur la territorialité qui implique la constitution d’organismes, comités, cercles communistes indépendamment de l’appartenance à tel ou tel poste de travail ou à tel ou tel secteur, prend note de la situation changée respecteviment au passé qui voyait prédominantes les grandes concentrations ouvrières desquelles partaient les luttes les plus significatives.

La dispersion de la classe ouvrière en petites unités productives et l’encore plus grande dispersion de l’ensemble du prolétariat sur tout le territoire favorise d’un côté et impose de l’autre l’agrégation des avant-garde classistes sur le plan territorial. Cela aussi parce qu’il est hautement probable que des formes territoriales d’agrégation de l’avant-garde de classe partiront les luttes les plus significatives de l’avenir, en dehors et contre les prisons syndicales.

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Les caractéristiques des groupes communistes d’entreprise et de territoire sont:

  • la dénonciation de toutes les expressions et tendances de pseudo-gauche de l’idéologie bourgeoise, toujours présentes parmi les masses ouvrières, en leur opposant les positions élaborées et défendues par le Parti, confrontées à la réalité des événements;
  • la clarification critique de tous ces objectifs de lutte qui pourront se réaliser seulement à travers la conquête révolutionnaire du pouvoir politique et le dépassement du système capitaliste;
  • l’encouragement à la solidarité prolétarienne et à l’unification des luttes sur le plan international;
  • l’unité avec les immigrés prolétariens de chaque pays, contre l’exploitation et le chômage qui dominent le marché mondial de la force de travail.