Révolution ou Réconciliation?

La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est présentée aux travailleurs du Canada, autochtones ou non, comme une étape sur la voie de la réparation des injustices historiques de la période coloniale. Ce n’est un secret pour personne que si certains saluent cette occasion avec ferveur et dans l’esprit voulu, le scepticisme persiste, et à juste titre. Des siècles de promesses non tenues et de foi épuisée n’engendrent pas la confiance de la partie lésée, et c’est donc ici que nous rencontrons le bras « radical » de l’activisme autochtone, qui se positionne avec défiance en résistance contre ce qu’ils considèrent comme la source de tous leurs malheurs : le colonialisme de peuplement blanc eurocentrique. L’héritage de toute la pensée européenne ne peut finalement pas être réconcilié avec leurs traditions, dit-on, et bien que les implications concomitantes de cet ultimatum ne soient jamais clairement explicitées, en attendant, un ensemble de demandes provisoires émerge. Financer les réserves. Renoncer à l’exploitation des terres. Démanteler la police. Évacuer les terres sacrées. Respecter les traités. Il y a quelque chose à recommander à des degrés divers dans chacune de ces propositions, mais est-ce suffisant ? Et si ce n’est pas le cas, comment expliquer la timidité de la prétendue pointe de l’extrême droite du radicalisme autochtone ?

D’un point de vue historique, on ne peut manquer de remarquer la conjonction de cette tradition radicale autochtone avec le milieu universitaire libéral, qui expliquerait une grande partie de l’action performative et décevante qui caractérise ce radicalisme. Il ne s’agit pas d’une condamnation de la riche histoire de la philosophie autochtone ; en fait, cela souligne encore davantage l’ampleur de la dépossession brutale que cette culture a connue, qui la rend si encline à l’incorporation. Ce que l’on oublie souvent dans la hâte de louer la durabilité d’une tradition qui a survécu à une telle dépossession, c’est précisément à quel point le fait d’avoir frôlé l’annihilation la compromet, et même les traditions philosophiques les moins endommagées restent rarement inchangées. Néanmoins, nous observons ici une ironie tragique, où les exceptions de routine accordées à la pensée européenne, qui sont devenues en fait la règle, rencontrent leurs limites ; une hostilité à la tradition marxiste dépassant toute autre. Encore une fois, détectons-nous ici la main restrictive du libéral bourgeois, amplifiant les voix les plus désunificatrices, insistant sur le fait que l’organisation de la classe ouvrière menace les traditions indigènes avec la marginalisation même qu’elle lui a déjà infligée ?

Depuis le moment où il y a eu un communisme auquel aspirer, les travailleurs qui y ont aspiré n’ont pas été monolithiques, et la grande histoire des travailleurs indigènes qui ont peiné, se sont agités et ont risqué leur vie aux côtés de leurs autres collègues de travail fait partie de cette tapisserie. L’abolition du travail salarié, de la forme de valeur et de la société de classe présente le seul moyen substantiel d’atteindre l’un des objectifs ultimes des revendications déclarées du radical indigène, et non les fausses promesses d’un concordat avec un État, colonial ou autre, qui n’a pas de devoir plus élevé que celui envers le capital. Ce n’est pas l’appât empoisonné d’une nation distincte pour les peuples indigènes, avec des frontières à surveiller et des marchés à protéger, qui réalisera les efforts des restaurateurs culturels, ni les sinécures confortables d’universitaires bien rémunérés d’origine indigène qui leur permettront d’obtenir la dignité qu’ils recherchent ; c'est dans leur condition de travailleurs n'ayant rien à vendre d'autre que leur travail, indigène ou non, que se façonne la tradition la plus vivante et la plus pressante de notre époque, et c'est sur ces seules bases que la libération de tous ces mêmes travailleurs, ensemble, peut être gagnée.

Saturday, September 28, 2024

Mutiny / Mutinerie

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