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Les révolutionnaires, les internationalistes face aux perspectives de guerre et la situation actuelle du prolétariat
Le fait que la récente guerre dans les Balkans ait eu lieu en Europe elle-même ainsi que la manière dont elle s'est déroulée (pendant et après les bombardements de l'OTAN) démontrent que nous avons franchi un pas significatif dans le processus conduisant vers la guerre impérialiste généralisée. Les guerres qui ont éclaté au Daghestan et dans d'autres anciennes républiques soviétiques sont encore un autre pas. Là, la Russie est opposée à des mouvements de guérilleros opérant dans le cadre d'une mixture radicale d'idéologies nationalistes et religieuses, mais qui sont en réalité encouragés par des impérialismes rivaux.
Face à cette escalade de la guerre, le prolétariat reste passif. Pourtant, les conditions menant à cette escalade rendent encore plus urgent le renforcement des forces révolutionnaires internationalistes à l'intérieur de la classe ouvrière. C'est dans ce contexte qu'il faut résister aux tournants dramatiques dans la vie civile et politique que la guerre entraîne toujours. Seul le programme révolutionnaire constitue un point de référence solide pour que le prolétariat puisse et doive réagir comme classe, avant, pendant et dans les suites immédiates de la guerre. Le stade impérialiste du capitalisme a mis en évidence l'alternative: c'est soit la guerre, soit la révolution. Cela ne signifie pas que le début de la guerre mette fin à la possibilité d'une révolution. Les événements de la Première Guerre mondiale (1914-18) et de la Révolution d'octobre (1917) nous le démontre.
Sans entrer dans un débat stérile sur les probabilités, les révolutionnaires doivent se préparer à toutes les éventualités, y compris la guerre. Pour commencer, nous devons considérer le danger mortel de nous retrouver si faibles que nous en serions réduits au silence et balayés par les tempêtes de la guerre. La tâche centrale est donc de commencer la construction du parti révolutionnaire en partant des conditions présentes de dispersion des révolutionnaires, de la confusion dans leurs rangs tout autant que du poids mort des arguments du passé. La question de la guerre et le type d'opposition révolutionnaire qui lui est faite constituent le terrain sur lequel s'opère la sélection des forces capables de contribuer à la construction du futur parti. Cela se fera dans le cadre des principes établis énoncés ici. Ils sont la base non-négociable de notre initiative politique visant à renforcer le front révolutionnaire contre le capitalisme et ses guerres.
La phase actuelle
- La phase présente du capitalisme est l'impérialisme. Elle a commencé au début du siècle avec les caractéristiques démontrées par Lénine dans son ouvrage L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme et est aujourd'hui marquée par la difficulté croissante du capitalisme à réaliser un taux de profit suffisamment élevé.
- L'impérialisme est donc la manière de vivre du mode de production capitaliste et maintient toutes ses caractéristiques fondamentales, y compris l'anarchie de la production, la production pour le profit, la priorité absolue de la quête du profit au-dessus de toute autre considération ou motivation politique, morale ou humanitaire; la rivalité entre grandes et petites accumulations de capital (sur une base locale, nationale ou multinationale) et la lutte incessante entre elles dans la même recherche du profit maximal et de l'exploitation maximale du prolétariat.
- Aujourd'hui, l'équilibre inégal des forces économiques entre les États, ou plutôt entre les organes d'État des fractions nationales et régionales de la bourgeoisie, reflète les particularités caractéristiques de la phase impérialiste: les niveaux variants d'accumulation réalisée et, par dessus tout et conséquemment, les divers niveaux de répartition de la rente mondiale.
- Quelques bourgeoisies nationales auront une participation faible ou presqu'inexistante dans la répartition de la rente mondiale mais cela ne contredit en rien le fait qu'elles font partie intégrante de l'impérialisme; par conséquent elles sont naturellement et irréconciliablement opposées à l'idée de libérer le prolétariat des chaînes de l'esclavage salarié.
- Ainsi, la notion que des heurts entre des bourgeoisies différentes sont des moments dans l'affaiblissement de l'impérialisme est fondamentalement réactionnaire. Elle obscurcit la nature même de l'impérialisme et lierait le prolétariat aux fractions les plus faibles de la bourgeoisie. Cela éloignerait l'émergence de toute perspective de classe autonome et révolutionnaire et précipiterait le prolétariat sur un des fronts de la guerre impérialiste.
- L'écroulement du front impérialiste soviétique est dû à la même crise ayant frappé le capitalisme international à partir du début des années '70, au commencement de la récession marquant son troisième cycle d'accumulation.
- La chute de l'URSS a ouvert une nouvelle période politique. De nouveaux rapports sont établis entre les États, tandis que la tentative de résoudre la crise les amène à se confronter les uns les autres et les pousse vers la recomposition des fronts.
- À la source de la Deuxième Guerre mondiale, il y avait la lutte pour l'approvisionnement en matière premières et la conquête des marchés pour l'investissement; ce qui correspondait à cette période du développement impérialiste. Aujourd'hui, on peut y ajouter la nécessité de contrôler les mécanismes d'appropriation des revenus (principalement le contrôle du pétrole) ainsi que le marché du travail. Ce sont là deux effets frappants de la globalisation et font partie de la réaction initiale du capital à ce phénomène.
- La crise secoue violemment des pans entiers de l'économie mondiale et amène les rivalités entre les États à s'accentuer rapidement. De ce fait, la tendance vers le rétablissement des blocs impérialistes suscite la compétition à l'échelle mondiale pour les revenus financiers, les matières premières, le pétrole et la force de travail. Les guerres en ex-Yougoslavie tout comme au Caucase et d'une façon générale en Asie, ont toutes été menées dans ce contexte.
- Nous devons exclure et combattre par principe comme contre-révolutionnaire toute suggestion d'appui à l'un ou l'autre des camps dans n'importe quelle guerre, peu importe son déguisement ou sa justification idéologique, parce que cela signifie s'aligner avec une facette ou une autre de l'impérialisme.
- Nous devons également rejeter toute théorie reprenant la vieille idée des super-impérialismes qui, plutôt qu'identifier l'ennemi au système capitaliste (indépendamment du niveau qu'il ait pu atteindre), l'identifie à un ou un autre État capitaliste (particulièrement les États-Unis), contre lequel n'importe guerre ou opposition serait la bienvenue.
La guerre et la classe ouvrière
- De toute façon, indépendamment de ce que peut être l'alignement futur des blocs, les États à travers le monde sont aujourd'hui libre de manoeuvrer et de faire la guerre, pendant que la classe ouvrière de chaque pays reste essentiellement l'objet passif de manipulations bourgeoises.
- D'autre part, une des raisons pour laquelle la phase de crise a duré si longtemps est l'acquiescement de la classe dans le processus profond de restructuration qui a eu lieu. Cela a impliqué, autant dans les pays périphériques que métropolitains, des attaques lourdes sur les ouvriers avec une dévaluation de la valeur du travail lui-même et le vol du salaire indirect via des coupes sombres dans les prétendus services sociaux. Cet acquiescement est dû à plusieurs facteurs parmi lesquels se trouvent l'écroulement de l'URSS, le rôle réactionnaire de la social-démocratie et l'absence d'un point de référence clair pour la classe ouvrière. La bourgeoisie internationale a utilisé ces facteurs pour enfermer le prolétariat dans une emprise idéologique dont il est difficile de s'échapper.
- L'écroulement de l'URSS n'a pas signifié la fin de la mystification contre-révolutionnaire stalinienne selon laquelle le capitalisme monopoliste d'État était identifié au socialisme. En fait, la mystification survit avec le rejet consécutif par la présente génération de prolétaires du socialisme et de sa prémisse: la solidarité de classe contre la bourgeoisie et le capital.
- C'est cette condition subjective de la classe qui rend difficile une reprise d'activité prolétarienne assez significative pour menacer les dynamiques bourgeoises dans leurs cours vers la guerre. Cependant, les signes avant-coureurs d'un changement générationnel dans le prolétariat émergent et, si celui-ci se libère des relents mortels du stalinisme, ça porte l'espoir d'un retour d'activité de la classe et de la lutte; même si c'est d'une manière seulement défensive. Mettre l'accent sur le prolétariat futur, ce n'est pas seulement une question générationnelle ou en raison d'un manque de connaissance du stalinisme; cela découle par dessus tout de la situation économique à laquelle fera face la jeune génération du prolétariat. Le rapport futur entre le capital et le travail, dont nous avons déjà vu les premiers signes dévastateurs, sera caractérisé par la servitude absolue du travail face au capital. Cela signifie des concessions sur les normes du travail, des impôts inférieurs et des salaires primés selon la performance d'une part, le chômage, le travail à temps partiel et des salaires de famine de l'autre; sans sécurité sociale et sans possibilité réelle de se forger une retraite minimale.
- Il n'est pas possible de prévoir avec certitude si la renaissance de l'initiative prolétarienne précédera un conflit impérialiste généralisé (indépendamment de la forme que cela peut prendre) ou en sera une conséquence. Dans un cas ou dans l'autre, c'est uniquement sur la base de cette initiative que le mot d'ordre de défaitisme révolutionnaire deviendra une réalité.
- Conséquemment, l'activité défaitiste des révolutionnaires se concentre, par tous les moyens possibles compatibles avec les objectifs à long terme, sur une autre reprise de l'initiative de classe, contre la bourgeoisie nationale et internationale et leurs laquais syndicaux et politiques. L'action des prolétaires ne doit en aucun cas être à la remorque d'une quelconque fraction de la bourgeoisie parce qu'il se trouve qu'elle est attaquée ou encore parce qu'elle est plus faible sur l'échiquier impérialiste. Cela signifierait être avalé par un des blocs de guerre au nom d'un anti-impérialisme fallacieux. Le seul anti-impérialisme possible est celui qui passe par la lutte contre le capitalisme, partout où il se trouve et quelle que soit l'idéologie employée pour le justifier.
- La reprise prolétarienne reviendra, si elle doit revenir, de l'extérieur et contre les syndicats officiels de même que contre toutes les autres formes, plus ou moins "radicales", de syndicalisme pouvant surgir.
- Le processus épouvantable de restructuration de la production, avec sa destruction conséquente de la vieille structure de la classe ouvrière est le prélude d'une reconstitution politique de la classe sur une base différente. Cela ouvrira de nouvelles perspectives pour le travail des révolutionnaires, mais favorisera aussi un retour du syndicalisme, même si c'est sous des formes nouvelles et apparemment plus radicales.
- Quelque soit la forme que le syndicalisme prenne aujourd'hui (autrefois responsable du marchandage réformiste du prix et de la vente de la force de travail à l'intérieur du système capitaliste, le syndicalisme aide maintenant ouvertement le système à se perpétuer en mettant en application les politiques de survie du capital basées sur les sacrifices de la classe ouvrière), partout où il se cristallise dans des organisations de masse, il agit inévitablement pour la bourgeoisie et soutient ainsi un des fronts de la guerre impérialiste. On doit donc combattre le syndicalisme sur le plan politique aussi bien que sur le plan organisationnel. La prochaine révolution devra marcher sur les cadavres des syndicats.
- C'est la tâche des révolutionnaires de faire appel à la renaissance de l'initiative prolétarienne de la base, via des assemblées de masse, des comités de grève et les luttes qu'elle contrôle directement. De cette façon, les révolutionnaires peuvent contribuer tant à la renaissance du prolétariat lui-même qu'au renforcement du parti révolutionnaire.
Quels révolutionnaires?
Cela fait vingt-trois ans qu'a eu lieu la première Conférence internationale de la Gauche communiste appelée par Battaglia Comunista. Dans le but d'ouvrir un dialogue parmi les groupes qui se réfèrent à la ligne générale internationaliste défendue par la Gauche communiste dans la deuxième moitié des années '20, il est possible et donc désormais un devoir, de dresser un bilan de la situation à laquelle nous sommes confrontés.
Plus de deux décennies de crise du capitalisme se sont écoulées, une période dans laquelle un bloc impérialiste a déjà volé en éclats. Cette longue période de crise, due à la difficulté accrue de valoriser le capital, a eu lieu à travers un long processus de restructuration très profonde de la production coïncidant avec une véritable révolution technologique. Cela a mené à une attaque brutale sur le monde du travail, à un gonflement des sphères financières et spéculatives de l'économie à des niveaux jusqu'ici inimaginables et à l'aiguisement de la compétition via les guerres et les dévastations. Tout cela a accéléré le processus de décantation du "camp politique prolétarien", avec l'exclusion de toutes ces organisations qui, d'une manière ou d'une autre, sont tombées dans l'appui à la guerre et ont ainsi abandonné le principe du défaitisme révolutionnaire.
D'autres éléments politiques dans cette aire, tout en ne tombant pas dans l'erreur tragique de soutenir un des camps se faisant la guerre, ont, au nom d'un anti-impérialisme fallacieux ou à cause de visions progressistes, historiquement et économiquement impossibles, se sont également distanciés des méthodes et des perspectives de travail qui mèneront au regroupement dans le futur parti révolutionnaire. Ce sont les victimes irrécupérables de leurs constructions idéalistes ou mécanistes, incapables de reconnaître les particularités de l'explosion des contradictions économiques perpétuelles du capitalisme moderne. Ils préfèrent se complaire dans l'attente messianique de la révolution ou encore, dans leur invariance aveugle, ils ne peuvent saisir les détails de la situation présente, tant en termes d'une analyse de la crise et des réponses du capital à celle-ci que dans les relations changeantes entre le travail et le capital.
Pas une des composantes de ces courants n'a fait un examen sérieux de la situation du capital et de ses relations avec le prolétariat qui tienne compte de la dynamique capitaliste réelle. Toutes semblent donc traîner de la patte, du fait de leurs lacunes en méthode et de leur manque d'outils appropriés, en rapport avec l'actualité et les perspectives d'avenir.
Le retard global du mouvement révolutionnaire face à ses tâches peut être mesuré par son atermoiement à se détacher du marais dans lequel des éléments tentent vainement d'agir et où ils se multiplient comme des photocopies dans un syndrome névrosé groupusculaire.
Nous restons convaincus que des forces vives du mouvement de classe ne manqueront pas d'apparaître et de se regrouper sur la base de la méthode, de l'analyse et des positions révolutionnaires défendues par le B.I.P.R. dans la bataille ouverte contre la domination suffocante du capital et son cours vers la barbarie.
BIPR, janvier 2000Commencez ici...
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